JORF n° 216 du 16 septembre 2021

Décrets, arrêtés, circulaires

Textes généraux

Ministère de la justice

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

Monsieur le Président de la République,

La présente ordonnance est prise en application de l'article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. A ce titre, afin de simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants, le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l'habilitation, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour :

Réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d'en améliorer l'efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique ;

Clarifier et adapter, dans le code civil, la liste et le régime des privilèges mobiliers et supprimer les privilèges devenus obsolètes ;

Préciser les règles du code civil relatives au gage de meubles corporels qui soulèvent des difficultés d'application, notamment en prévoyant que le gage peut porter sur des biens meubles immobilisés par destination, en précisant l'articulation des règles relatives au gage avec les règles prévues dans le code des procédures civiles d'exécution, en clarifiant les droits du constituant sur la chose gagée et la sanction du gage de la chose d'autrui, en assouplissant les règles de réalisation du gage constitué à des fins professionnelles ;

Abroger les sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles, pour les soumettre au droit commun du gage, afin d'améliorer la lisibilité du droit des sûretés ;

Simplifier et moderniser les règles relatives aux sûretés mobilières spéciales dans le code civil, le code de commerce et le code monétaire et financier ;

Harmoniser et simplifier les règles de publicité des sûretés mobilières ;

Préciser les règles du code civil relatives au nantissement de créance, en particulier sur le sort des sommes payées par le débiteur de la créance nantie et sur le droit au paiement du créancier nanti ;

Compléter les règles du code civil relatives à la réserve de propriété, notamment pour préciser les conditions de son extinction et les exceptions pouvant être opposées par le sous-acquéreur ;

Inscrire dans le code civil la possibilité de céder une créance à titre de garantie ;

10° Assouplir les règles relatives à la constitution et à la réalisation de la fiducie-sûreté ;

11° Inscrire et organiser dans le code civil le transfert de somme d'argent au créancier à titre de garantie ;

12° Améliorer les règles relatives aux sûretés réelles immobilières, notamment en remplaçant les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales, en élargissant les dérogations à la prohibition des hypothèques de biens à venir et en étendant le maintien de la couverture hypothécaire en cas de subrogation à l'ensemble des accessoires ;

13° Moderniser les règles du code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles afin d'en faciliter l'utilisation ;

14° Simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives, notamment en adaptant les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes prévue au chapitre II du titre III du même livre VI, en améliorant la cohérence des règles applicables aux garants personnes physiques en cas de procédure collective et en prévoyant les conditions permettant d'inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité ou bénéficiant d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal ;

15° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 14° du présent I ;

16° Rendre applicables avec les adaptations nécessaires :

a) En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les dispositions législatives modifiant le code monétaire et financier résultant des 1° à 15° du présent I, pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat ;

b) Dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions législatives résultant du présent I ;

17° Procéder aux adaptations nécessaires des dispositions résultant du présent I en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Genèse de la réforme

Si l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a permis une profonde rénovation du droit des sûretés, certains pans en avaient été exclus, en particulier les privilèges et le cautionnement, alors même que ce dernier est la sûreté la plus abondamment pratiquée. Or les insuffisances des textes relatifs au cautionnement, qui pour certains datent de 1804, leur éparpillement dans différents codes et les variations de jurisprudence auxquelles ils ont donné lieu, sont peu propices à la sécurité juridique ainsi qu'à l'efficacité de cette sûreté. Il en est de même des privilèges qui sont datés et contribuent à complexifier le droit des sûretés.

Par ailleurs, les quinze années écoulées depuis la réforme de 2006 ont mis en évidence des ambiguïtés, notamment dans les textes relatifs au gage, au nantissement de créance ou à la réserve de propriété, qu'il convient donc de clarifier et d'ajuster afin de sécuriser les opérations contractuelles. De même, le maintien de certaines sûretés spéciales, comme le gage automobile, le gage commercial, ou certains warrants, ne se justifie plus au regard de leur obsolescence et de la complexification du droit qu'elles apportent.

Enfin, la diversité des règles actuelles de publicité des sûretés mobilières, avec en particulier une multiplicité de registres, est source de complexité et nuit à l'attractivité internationale du droit français.

Face à la nécessité d'une nouvelle réforme du droit des sûretés, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a confié au professeur Michel Grimaldi, sous l'égide de l'association Henri Capitant, le soin de réunir un groupe de travail, qui a rendu publiques ses propositions en septembre 2017. Celles-ci ont fait l'objet d'une vaste consultation publique en 2019, dont les réponses sont venues s'ajouter aux travaux doctrinaux et aux retours de la place, en particulier ceux de Paris Europlace qui a créé une commission spécifique en matière de droit des sûretés.

A la suite du vote par le Parlement de l'habilitation figurant dans la loi PACTE, le Gouvernement a élaboré un avant-projet d'ordonnance. Celui-ci a de nouveau été soumis à consultation publique à la fin de l'année 2020. Les nombreuses réponses reçues dans ce cadre ont permis d'améliorer et d'enrichir le texte qui vous est aujourd'hui soumis.

Objectifs de la réforme

La sécurité juridique est le premier objectif poursuivi par le projet d'ordonnance qui vise tout d'abord à rendre plus lisible et plus accessible le droit des sûretés. Les dispositions non modifiées depuis 1804 ne reflètent plus la réalité du droit positif. Par ailleurs, le style rédactionnel des auteurs du code civil n'est plus accessible ni aux citoyens ni aux acteurs de la vie économique, en particulier ceux venant de l'étranger. La réforme rend ces dispositions plus simples et plus explicites par une reformulation de certains articles et l'utilisation d'un vocabulaire plus adapté. La réécriture des règles sur le droit de préférence, le droit de suite et la purge en matière hypothécaire en témoigne.

Le projet d'ordonnance a également précisé les notions et règles juridiques existantes en droit positif. En matière de cautionnement, les dispositions relatives à l'obligation d'information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité, aujourd'hui éparpillées dans le code de la consommation, le code monétaire et financier ou des lois non codifiées, sont abrogées pour intégrer le code civil et permettre ainsi une unification des règles.

De même, les règles du code civil relatives aux privilèges mobiliers sont « toilettées » et modernisées afin de clarifier et préciser leur régime, en particulier par l'inscription dans le code civil de l'affirmation de l'existence d'un droit de préférence et de l'absence de droit de suite.

La clarification des notions et les précisions apportées aux textes actuels ainsi que l'intégration dans les normes légales de certaines solutions jurisprudentielles poursuivent également cet objectif de sécurité juridique. Ainsi, le devoir de mise en garde en matière de cautionnement, le classement du droit de préférence du créancier gagiste ou l'absence de droit de rétention en matière de nantissement de bien incorporel sont intégrés dans le code civil. Dans le nantissement de créance, le régime de l'opposabilité des exceptions est, dans un souci de cohérence, fixé en s'inspirant des règles retenues pour la cession de créance par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016.

La transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales, qui a pour effet de supprimer la rétroactivité de leur inscription, répond également à l'objectif de sécurité juridique. Il en va de même de la consécration dans le code civil de la cession de somme d'argent à titre de garantie : cette sûreté est aujourd'hui massivement utilisée en pratique mais, faute de régime légal, une incertitude préjudiciable aux opérateurs économiques existe toujours quant à sa validité et son efficacité.

La réforme contredit en outre certaines solutions jurisprudentielles vues comme sources d'insécurité juridique : l'ordonnance consacre ainsi la possibilité pour la caution d'opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur. De même, la caution ne pourra plus reprocher au créancier le choix du mode de réalisation d'une sûreté.

Le deuxième objectif de la réforme est le renforcement de l'efficacité du droit des sûretés, tout en maintenant un niveau de protection satisfaisant des constituants et des garants.

L'efficacité du cautionnement est en particulier renforcée. Cela résulte d'abord de la simplification des règles de droit, de l'abrogation des dispositions figurant aujourd'hui dans différents codes et de l'insertion de l'ensemble de ces dispositions dans le code civil. La modification de la sanction du cautionnement disproportionné (la réduction du cautionnement remplace la déchéance totale) y participe également, tout comme l'assouplissement des règles relatives à la mention manuscrite.

La protection des garants n'est cependant pas remise en cause : la mention manuscrite reste par exemple exigée pour la validité du cautionnement. Elle bénéficiera désormais à toutes les cautions personnes physiques, quelle que soit la qualité du créancier. La sous-caution bénéficiera de l'information annuelle et de l'information sur la défaillance du débiteur principal. Le constituant d'une sûreté réelle pour autrui bénéficiera des protections essentielles offertes à la caution, en rupture avec la jurisprudence actuelle.

Les précisions apportées dans l'articulation des règles entre le code civil et les procédures civiles d'exécution favorisent par ailleurs l'efficacité des sûretés : les droits du créancier gagiste seront en particulier mieux respectés lorsque le bien gagé est saisi.

L'admission du gage portant sur des immeubles par destination renforce l'efficacité du droit des sûretés : ces biens, qui ne pouvaient jusque-là être engagés pour garantir un financement, peuvent désormais être grevés de sûretés.

L'efficacité de l'hypothèque est également renforcée : sa constitution par les personnes morales autres que les sociétés est simplifiée : la prohibition des hypothèques portant sur biens futurs est levée, le champ des accessoires couverts par l'hypothèque en cas de subrogation personnelle est étendu, un mécanisme de purge des gages portant sur les immeubles par destination est mis en place.

La modernisation des règles relatives à la fiducie-sûreté renforce de la même manière l'efficacité de cette sûreté. Ainsi, son formalisme est assoupli, l'exigence d'une estimation de la valeur des biens transmis n'apparaissant pas nécessaire. Il en va de même de ses modalités de réalisation : le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant.

Certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce, sûreté très utilisée en pratique, complexifiaient inutilement les formalités d'inscription et fragilisaient sa sécurité. En particulier, le défaut d'inscription du nantissement dans le délai préfix n'est plus sanctionné par la nullité, mais par l'inopposabilité de l'acte.

Le renforcement de l'attractivité du droit français, notamment sur le plan économique, constitue le troisième objectif poursuivi par la réforme. L'accroissement de la sécurité juridique et de l'efficacité des sûretés précédemment mentionnées y participent pleinement.

En complément, l'ordonnance autorise la dématérialisation de l'ensemble des sûretés, alors qu'elle n'est aujourd'hui possible que pour les sûretés constituées par une personne pour les besoins de sa profession. Lever ce frein, injustifié à l'ère du numérique, est indispensable pour inciter les opérateurs économiques internationaux à utiliser le droit français.

L'abrogation de certaines sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles par rapport aux règles de droit commun (certains privilèges mobiliers ou immobiliers, le gage commercial, le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement, les warrants pétroliers, hôteliers, des stocks de guerre et industriel, le gage de stocks) est la source d'une simplification majeure de notre droit, ce qui le rend plus lisible notamment depuis l'étranger. De même, la simplification et la modernisation des règles relatives au cautionnement et aux sûretés réelles, mobilières comme immobilières, dans le code civil mais également dans le code de commerce et le code monétaire et financier, améliorent la lisibilité du droit des sûretés et l'attractivité du droit français.

La consécration de la cession de créance de droit commun à titre de garantie, sûreté bien connue de nombreuses législations étrangères, permet de la même manière de renforcer l'attractivité du droit français, alors que cette possibilité n'existe aujourd'hui qu'au profit de certains établissements (cession dite « Dailly »).

Les dispositions relatives à la publicité des sûretés mobilières, aujourd'hui inscrites dans différents codes (code de commerce, code des douanes, code des transports, code général des impôts, code de la sécurité sociale et code de la construction et de l'habitation) et à différents niveaux de normes, sont harmonisées, ce qui permettra la mise en place par décret d'un registre unique des sûretés mobilières, conformément aux meilleurs standards internationaux.

Présentation des articles

L'ordonnance est divisée en huit titres.

Le titre Ier modifie les dispositions relatives au code civil, comme l'indique l'article 1er. La structure générale du livre IV du code civil n'est pas modifié.

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code civil, relatif au cautionnement, est intégralement réécrit par l'ordonnance. Il comporte 4 sections, consacrées aux dispositions générales, à la formation et à l'étendue du cautionnement, à l'effet du cautionnement et enfin à l'extinction du cautionnement.

1. Dispositions générales

L'article 2 modifie la section 1, consacrée aux dispositions générales. Celle-ci comprend les articles 2288 à 2291-1 et énonce les principales définitions nécessaires à la compréhension du cautionnement.

L'article 2288 fournit une définition modernisée du cautionnement, en faisant expressément mention du caractère conventionnel du lien qui unit la caution au créancier, du caractère unilatéral de ce contrat et du fait que le débiteur est un tiers à celui-ci.

L'article 2289 définit le cautionnement légal et le cautionnement judiciaire.

L'article 2290 distingue le cautionnement simple du cautionnement solidaire. Il précise dans son second alinéa les différentes figures de solidarité qui peuvent exister : solidarité « verticale » entre la caution et le débiteur principal, solidarité « horizontale » entre les différentes cautions, ou solidarité à la fois « verticale » et « horizontale » entre eux tous.

Les articles 2291 et 2291-1 définissent la certification de caution et le sous-cautionnement, ce qui permet de distinguer ces deux figures parfois confondues en pratique : le certificateur garantit la dette de la caution envers le créancier, alors que la sous-caution garantit la dette du débiteur principal envers la caution de premier rang.

2. De la formation et de l'étendue du cautionnement

L'article 3 modifie la section 2, consacrée à la formation et à l'étendue du cautionnement et qui comprend les articles 2292 à 2301.

L'article 2292 prévoit, conformément au droit commun des obligations, que le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures, déterminées ou déterminables. Cette règle manifeste la grande souplesse de cette sûreté.

L'article 2293 dispose que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, ce qui est conforme à la règle de l'accessoire. Dans la continuité de l'ancien article 2289, une exception est cependant prévue pour la caution d'une personne qui n'a pas la capacité de contracter.

L'article 2294 reprend l'ancien article 2292 : le cautionnement doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Cette règle assure une protection nécessaire de la caution.

L'article 2295 prévoit que le cautionnement s'étend aux accessoires et aux intérêts de l'obligation garantie ; il reprend ainsi la substance du premier alinéa de l'ancien article 2293, tel qu'interprété par la jurisprudence.

L'article 2296 reprend en le simplifiant l'ancien article 2290 : il interdit les cautionnements qui excèdent la dette principale, conformément au caractère accessoire de cette garantie.

L'article 2297 unifie et simplifie les règles aujourd'hui dispersées relatives à la mention devant être apposée par la caution personne physique. Comme aujourd'hui, une mention apposée par la caution elle-même est imposée. Il s'agit d'une condition de validité même du cautionnement, dans un but de protection de la caution. Toutefois, le texte proposé apporte plusieurs modifications importantes par rapport au droit antérieur. Premièrement, il n'est plus exigé la reproduction par la caution d'une mention strictement prédéterminée ; cela était la source d'un important contentieux portant sur des inexactitudes, parfois mineures, de la mention reproduite par la caution. Il est désormais seulement exigé que la mention désigne avec suffisamment de précision la nature et la portée de l'engagement. En cas de contestation, il appartiendra au juge d'apprécier le caractère suffisant de la mention. La reprise de la mention qui figure aujourd'hui dans le code de la consommation serait indiscutablement de nature à satisfaire cette exigence. Deuxièmement, le champ de la mention est étendu : elle s'imposera pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique même lorsque le créancier n'est pas un professionnel. Il faut souligner que cette mention ne doit pas nécessairement être manuscrite : il est seulement exigé qu'elle soit apposée par la caution. Elle ne fait donc pas obstacle à ce que le cautionnement soit conclu par voie électronique - selon les modalités prévues pour la validité des actes passés par voie électronique - dès lors que le processus par lequel l'acte est renseigné par la caution garantit que l'apposition de la mention résulte d'une démarche qu'elle a elle-même réalisée, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article 1174 du code civil. Cette mesure s'inscrit dans la cohérence de la modification apportée par l'article 26 de l'ordonnance afin de permettre la dématérialisation des sûretés même en dehors du cadre professionnel.

L'article 2298 est relatif aux exceptions opposables par la caution. Le premier alinéa pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette, à l'exception de l'incapacité. Ce texte modifie le droit positif, la Cour de cassation considérant, en application des articles 2289 et 2313 anciens, que la caution ne peut opposer que les seules exceptions inhérentes à la dette (Ch. Mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602). Cette modification est toutefois conforme au caractère accessoire du cautionnement et à l'économie de l'opération. Le second alinéa affirme ensuite que les exceptions liées à la défaillance du débiteur sont en principe inopposables par la caution, car le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance. Cette affirmation est globalement conforme au droit positif, tout en ayant l'intérêt de poser un principe clair qui fait aujourd'hui défaut en cas de silence des textes spéciaux. Le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement peuvent en effet prévoir des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.

L'article 2299 codifie le devoir de mise en garde de la caution qui a été dégagé par la jurisprudence. Le champ d'application de cette protection est modifié par rapport au droit antérieur, dans un souci de cohérence avec les autres mesures protectrices de la caution : toutes les personnes physiques en bénéficieront (qu'elles soient « averties » ou non) mais seulement les personnes physiques. En rupture à nouveau avec le droit antérieur, le devoir de mise en garde n'est dû qu'au regard des capacités financières du débiteur principal. En effet, l'adéquation de l'engagement de la caution à ses ressources relève de l'exigence de proportionnalité qui fait l'objet des dispositions figurant à l'article suivant. Dans un souci de sécurité juridique, le critère jurisprudentiel de l'inadaptation aux capacités financières du débiteur principal a été repris. Enfin, la sanction en cas de non-respect de ce devoir de mise en garde est modifiée : il s'agit d'une déchéance du droit du créancier et non plus de la mise en jeu de la responsabilité de celui-ci ouvrant droit à des dommages et intérêts, ce qui sera une source de simplification, en particulier sur le terrain procédural. La déchéance n'opèrera toutefois qu'à hauteur du préjudice subi par la caution, comme dans le droit antérieur.

L'article 2300 unifie les dispositions relatives à l'exigence de proportionnalité du cautionnement et qui étaient précédemment dispersées. Comme hier, ce texte est applicable aux cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel. L'exigence de proportionnalité permet de lutter contre le surendettement de la caution. Le texte modifie le droit positif en ce qu'il remplace la sanction de la décharge totale de la caution par celle, moins radicale, d'une réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager au regard de son patrimoine et de ses revenus. Cette sanction permet de rétablir la proportionnalité entre le cautionnement et les ressources de la caution et d'éviter d'aboutir à des solutions excessives. Toutefois, afin de maintenir le caractère dissuasif du texte, l'exception prévue en cas de retour à meilleure fortune n'est pas reprise.

L'article 2301 reprend l'exigence de solvabilité suffisante de la caution légale ou judiciaire.

3. Des effets du cautionnement

L'article 4 modifie la section 3, relative aux effets du cautionnement ; celle-ci comprend les articles 2302 à 2312, répartis en trois sous-sections consacrées respectivement aux effets du cautionnement entre le créancier et la caution d'abord, entre la caution et le débiteur ensuite, et entre les cautions enfin.

S'agissant de la première sous-section, l'article 2302 unifie et précise les dispositions relatives à l'obligation d'information annuelle de la caution, jusque-là dispersées entre le code civil, le code de la consommation, le code monétaire et financier et la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, lesquels prévoient des conditions, des contenus et des sanctions différents. Le champ d'application de cette obligation d'information unifiée n'est pas modifié : celle-ci s'applique, d'une part, aux cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel et, d'autre part, à ceux souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d'un concours financier accordée à une entreprise. Il est prévu depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que la réalisation de cette obligation ne peut être facturée à la caution. Le nouvel article 2302 va plus loin en affirmant que cette information est fournie aux frais du créancier, ce qui lui interdit de la facturer au débiteur principal.

L'article 2303 unifie dans la même ligne l'obligation d'information sur la défaillance du débiteur principal. Le champ de ce texte est différent de celui de l'article précédent, puisque sont concernés uniquement les cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel, comme dans le droit antérieur.

L'article 2304 est une innovation de l'ordonnance, qui vise à assurer l'information de la sous-caution personne physique, qui n'était jusque-là pas protégée : si la caution de premier rang a elle-même bénéficié de l'information prévue par les articles précédents, elle doit la transmettre à la sous-caution dans le délai d'un mois.

Les articles 2305 et 2305-1 sont relatifs au bénéfice de discussion de la caution, qui lui permet d'exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur principal. Ils reprennent de manière modernisée les règles prévues précédemment aux articles 2298 à 2301 ; toutefois, la condition, trop sévère, selon laquelle la caution doit avancer les frais de la discussion n'est pas reprise.

Les articles 2306 à 2306-2 sont relatifs au bénéfice de division. Ils reprennent la substance des règles prévues précédemment aux articles 2302 à 2304.

L'article 2307 reprend la règle prévue à l'ancien article 2301 alinéa 2. Les cautions doivent donc conserver le « reste à vivre » réservé au débiteur surendetté bénéficiant d'un plan de redressement. Il s'agit d'une limite apportée au droit de poursuite du créancier, laquelle a pour but d'éviter que la caution ne se trouve totalement démunie, à la suite de l'exécution de son engagement de caution, et d'éviter ainsi son surendettement.

S'agissant de la deuxième sous-section, l'article 2308 reprend et précise les conditions du recours personnel de la caution.

L'article 2309 est relatif au recours subrogatoire de la caution. Si la caution ne réalise qu'un paiement partiel, ce qu'envisage le texte, la subrogation ne sera également que partielle, conformément au droit commun de la subrogation personnelle figurant aux articles 1346 et suivants du code civil.

L'article 2311 concerne la perte du recours de la caution contre le débiteur principal. Cette sanction suppose, comme dans le droit antérieur, que la caution ait payé le créancier sans en avertir le débiteur principal. En revanche, la sanction n'était précédemment encourue que si la caution avait payé sans être poursuivie par le créancier ; cette condition n'est pas reprise, ce qui doit inciter la caution à systématiquement informer le débiteur principal du paiement à intervenir.

L'ancien article 2309, relatif au recours avant paiement de la caution, n'est pas repris. De nombreux cas prévus par ce texte sont en effet désuets. De plus, la faculté pour la caution d'être indemnisée alors qu'elle n'a pas encore payé est critiquable. La caution n'est pas pour autant démunie : elle pourra toujours prendre, avant paiement, une mesure conservatoire, dans les conditions prévues par le code des procédures civiles d'exécution. L'ancien article 2309 était par ailleurs utilisé pour justifier la possibilité pour la caution de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur principal, alors même qu'elle n'aurait pas encore payé le créancier ; cette solution n'est pas remise en cause, un texte étant inséré dans le code de commerce pour le prévoir expressément.

La troisième sous-section est uniquement composée de l'article 2312 qui prévoit que la caution qui a payé le créancier peut exercer son recours personnel ou subrogatoire contre les autres cautions, chacune pour sa part respective.

4. De l'extinction du cautionnement

L'article 5 modifie la section 4, relative à l'extinction du cautionnement et qui comprend les articles 2313 à 2320.

L'article 2313 affirme que le cautionnement peut s'éteindre soit par voie principale, c'est-à-dire pour une cause qui trouve sa source dans les relations entre le créancier et la caution, soit par voie accessoire, du fait de l'extinction de l'obligation principale.

L'article 2314 reprend et clarifie le « bénéfice de subrogation », qui constitue une cause spécifique d'extinction de l'obligation de règlement de la caution : si, par sa faute, le créancier a perdu un droit sur lequel la caution pouvait compter dans l'exercice de son recours subrogatoire, celle-ci est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit. Comme dans le droit antérieur, la règle est d'ordre public. En revanche, en rupture avec le droit antérieur, le dernier alinéa prévoit que « La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté ». Est principalement visé le choix entre saisie, attribution judiciaire ou pacte commissoire ; la solution inverse porte en effet une atteinte excessive aux droits du créancier qui peut légitimement ne pas souhaiter devenir propriétaire du bien grevé de sûreté.

L'article 2315 rappelle la faculté, essentielle pour la caution, de résiliation unilatérale à tout moment du cautionnement à durée indéterminée, conformément à la règle prévue en droit commun des contrats par l'article 1211 du code civil.

L'article 2316 est nouveau : il précise, dans un souci de sécurité juridique, que lorsqu'un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire. Il s'agit ici de consacrer légalement la distinction entre l'obligation de couverture et l'obligation de règlement, dégagée par Christian Mouly et utilisée par la jurisprudence. La date à prendre en compte est la date de naissance de la créance cautionnée : les créances nées antérieurement à l'extinction du cautionnement doivent être réglées par la caution, même si leur date d'exigibilité est postérieure.

L'article 2317 prévoit dans son alinéa premier que les héritiers de la caution ne sont tenus que des dettes nées avant le décès. Cette affirmation, qui peut apparaitre en rupture avec l'ancien article 2294 selon lequel « Les engagements des cautions passent à leurs héritiers si l'engagement était tel que la caution y fût obligée », est en réalité dans la continuité du droit antérieur : dans son célèbre arrêt Ernault (Com., 29 juin 1982, n° 80-14.160), la Cour de cassation avait en effet interprété ce texte comme ne se rapportant qu'à l'obligation de règlement de la caution, son obligation de couverture étant quant à elle éteinte. L'article 2317 codifie donc cette jurisprudence, dans un souci d'intelligibilité et d'accessibilité de la règle de droit.

L'article 2318 précise le sort du cautionnement en cas de dissolution entrainant la transmission universelle du patrimoine de la personne morale du créancier, du débiteur principal ou de la caution. Elle peut résulter d'une fusion (par combinaison ou par absorption), d'une scission ou encore de la réunion de toutes les parts de la société entre les mains d'un associé unique (1844-5 alinéa 3). Comme le prévoit aujourd'hui la jurisprudence (v. par ex. Com., 25 octobre 1983, n° 82-13.358), la fusion du débiteur principal entraine l'extinction de l'obligation de couverture de la caution, sauf à ce qu'elle consente à maintenir son engagement au moment de l'opération. Conformément de nouveau à la jurisprudence (v. par ex. Com., 20 janvier 1987, n° 85-14.035), la fusion du créancier entraine l'extinction de l'obligation de couverture de la caution, sauf à ce qu'elle consente à maintenir son engagement, soit au moment de l'opération, soit par avance. Enfin, levant les incertitudes du droit positif suscitées par un récent arrêt (Cass. com., 7 janv. 2014, n° 12-20.204), le texte affirme que la fusion de la caution n'a pas d'incidence sur le cautionnement.

L'article 2319 est relatif au cautionnement du solde d'un compte bancaire. Lorsqu'un tel cautionnement de dettes futures prend fin (que ce soit en raison de l'arrivée du terme, de sa résiliation unilatérale, etc.), la caution ne couvre pas les avances consenties postérieurement par l'établissement de crédit créancier au débiteur principal client. Le solde provisoire au moment de l'extinction du cautionnement constitue ainsi le maximum de ce que la caution peut être condamnée à payer. En principe, les remises effectuées postérieurement par le débiteur viennent diminuer la dette de la caution, qui s'éteint donc progressivement. Toutefois, une clause contraire peut figurer dans le contrat de cautionnement, en vertu de laquelle les remises postérieures s'imputent prioritairement sur les avances postérieures. Cette solution pose difficulté car elle peut aboutir à ce que l'obligation de règlement se prolonge indéfiniment. En effet, tant que le compte n'est pas clôturé, la créance principale n'est pas exigible ; par suite, l'obligation de la caution ne l'est pas non plus, si bien que la prescription ne commence pas à courir. Un tel résultat heurte la prohibition des engagements perpétuels. C'est pourquoi le nouvel article 2319 prévoit, dans la continuité d'une décision de la Cour de cassation (Com., 5 octobre 1982, pourvoi n° 81-12595), que « La caution du solde d'un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement ».

L'article 2320 précise, dans la continuité du droit antérieur, les conséquences de la prorogation du terme de l'obligation principale sur le cautionnement. Comme le prévoit l'ancien article 2316, et comme les juges le rappellent régulièrement, cette prorogation ne libère pas la caution. En revanche, conformément à la règle de l'accessoire, la caution peut se prévaloir de cette prorogation pour refuser de payer le créancier avant l'échéance ainsi reportée. Afin de compenser la suppression du recours avant paiement, qui pouvait être exercé dans une telle hypothèse, le nouveau texte ouvre alors à la caution la possibilité de demander la constitution d'une sûreté judiciaire sur les biens du débiteur en application du livre V du code des procédures civiles d'exécution. L'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement, condition exigée par l'article L. 511-1 de ce code, est alors présumée jusqu'à preuve du contraire. L'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution impose par ailleurs au créancier d'introduire, dans le délai d'un mois à compter de la réalisation de la mesure conservatoire, une procédure pour obtenir un titre exécutoire. La caution étant dans l'impossibilité de respecter cette condition puisque la dette n'est pas exigible, cette disposition sera complétée par voie réglementaire pour prévoir que le délai d'un mois court dans cette hypothèse à compter du paiement du créancier par la caution. Par crainte que la situation du débiteur ne s'aggrave, la caution peut également préférer ignorer cette prorogation du terme et payer le créancier, ce qui lui permet d'exercer immédiatement son recours contre le débiteur. L'article 2320 ne fait pas obstacle à des aménagements contractuels différents ; en particulier, les parties peuvent toujours prévoir que le créancier a l'interdiction d'accorder une prorogation du terme au débiteur principal sans l'accord de la caution.

La structure du titre II du livre IV n'est pas modifié : il comporte toujours trois sous-titres consacrés respectivement aux dispositions générales, aux sûretés sur les meubles et aux sûretés sur les immeubles.

L'article 6 réécrit intégralement les articles 2323 à 2326 qui composent désormais le sous-titre I.

L'article 2323 donne une nouvelle définition des sûretés réelles, en distinguant les sûretés préférentielles (privilège, gage…) des sûretés exclusives (sûretés-propriétés).

L'article 2324 présente différentes classifications des sûretés réelles : l'alinéa 1er distingue les sûretés selon leur source, qui peut être conventionnelle, légale ou judiciaire ; l'alinéa 2 oppose les sûretés mobilières aux sûretés immobilières ; l'alinéa 3 les sûretés générales aux sûretés spéciales.

L'article 2325 est relatif aux sûretés réelles pour autrui. Le texte prévoit ainsi que la sûreté réelle peut être constituée en garantie de la dette d'autrui : la nature de sûreté réelle de cette figure est ainsi réaffirmée, conformément à la jurisprudence actuelle et dans un souci de sécurité juridique. Dans la lignée du droit antérieur à nouveau, il est prévu que « le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie ». En revanche, en rupture avec le droit antérieur, cette sûreté se voit appliquer un certain nombre de règles protectrices de la caution, à savoir le devoir de mise en garde (article 2299), les obligations d'information (articles 2302 à 2304), le bénéfice de discussion (articles 2305 et 2305-1), les recours de la caution (articles 2308 à 2312) et le bénéfice de subrogation (article 2314). Ces règles sont en effet justifiées par le fait que c'est un tiers qui s'engage en garantie de la dette du débiteur et qui a donc besoin de protection ; cette raison d'être se retrouve en présence d'une sûreté réelle pour autrui. Chacun des textes auquel il est renvoyé ne sera applicable à la sûreté réelle pour autrui que si ses conditions sont réunies ; ainsi, par exemple, l'article 2299 ne sera applicable que si le constituant est une personne physique et le créancier un professionnel.

L'article 2326 prévoit que : « Une sûreté réelle peut être constituée sur les biens d'une personne morale de droit privé en vertu de pouvoirs résultant de délibérations ou délégations établies sous signatures privées alors même que la constitution de la sûreté doit l'être par acte authentique ». Il s'agit là de la généralisation à l'ensemble des personnes morales la règle figurant précédemment à l'article 1844-2 pour les sociétés, ce qui concernera en particulier les associations. Cette solution est un facteur de simplicité et de souplesse, pour des personnes qui n'ont pas besoin de protection particulière.

Les anciens articles 2327 et 2328 sont abrogés.

La structure du sous-titre II n'est pas modifiée : elle comporte toujours quatre chapitres, consacrés aux privilèges mobiliers, au gage de meubles corporels, au nantissement de meubles incorporels, et à la propriété retenue ou cédée à titre de garantie.

L'article 7 modifie les textes composant le chapitre Ier, sans toucher à sa structure.

Le nouvel article 2330 précise les principales caractéristiques des privilèges mobiliers, en particulier l'existence d'un droit de préférence mais l'absence de droit de suite, et la règle de l'interprétation stricte. La dernière phrase consacre la jurisprudence selon laquelle le privilège se reporte sur la créance du prix de vente du bien ; l'absence de droit de suite justifie cette solution.

L'article 2331, qui dresse la liste des privilèges mobiliers généraux, est toiletté et modernisé. Sont en particulier abrogés les privilèges désuets (frais de dernière maladie, fourniture de subsistance, victime d'un accident, employés de caisse de compensation, créances des caisses de compensation).

Dans une perspective d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit, le nouvel article 2331-1 mentionne les privilèges du Trésor et des caisses de sécurité sociale, avec renvoi aux dispositions spéciales qui leur sont applicables.

L'article 2332, relatif aux privilèges mobiliers spéciaux, est également toiletté et modernisé. Le privilège du bailleur d'immeuble et celui du vendeur de meuble sont considérablement simplifiés, avec la suppression de règles exorbitantes qui ne se justifient plus. Les privilèges désuets (privilège de l'hôtelier, privilège pour les créances résultant d'abus et prévarications commis par les fonctionnaires, privilège des créances nées d'un accident) sont abrogés.

Le nouvel article 2332-4 insère le droit de préférence du gagiste dans le classement. Conformément à la jurisprudence (Com., 14 février 1977, n° 75-13907), il s'exerce au même rang que le privilège dont bénéficie le bailleur d'immeuble, soit au 2° s'il ignorait l'existence des autres privilèges ou au 5° s'il en avait connaissance. Le créancier gagiste bénéficie par ailleurs d'un droit de rétention qui lui permet d'exclure les autres créanciers.

L'article 8 modifie le chapitre 2 relatif au gage ; il supprime la subdivision en sections et abroge les deux dernières d'entre elles.

L'article 2334 autorise le gage portant sur un immeuble par destination. Il s'agit de biens, souvent d'une valeur importante, qui ont vocation à être intégrés à des immeubles, par exemple des turbines, des transformateurs, des panneaux solaires ou autres équipements des parcs éoliens, des centrales solaires ou des installations industrielles ou minières. Ce texte couvre aussi bien les situations dans lesquelles un bien meuble sur lequel un gage a été constitué est par la suite intégré à un immeuble et devient immeuble par destination, que celles où le gage est constitué ab initio sur un bien immobilisé par destination. L'hypothèque prise sur un immeuble s'étendant automatiquement aux immeubles par destination, un conflit peut apparaitre entre le gage portant sur l'immeuble par destination est l'hypothèque ; pour des raisons de lisibilité, le texte renvoie donc au nouvel article 2419 pour la résolution de ce conflit.

L'article 2335 clarifie le régime de la nullité du gage constitué sur la chose d'autrui, afin de préciser que seul le créancier de bonne foi peut invoquer cette nullité, et non les tiers. Il permet le maintien de la jurisprudence antérieure à la réforme de 2006, qui considérait que le créancier gagiste mis en possession de bonne foi pouvait invoquer l'article 2276 pour s'opposer à toute revendication du véritable propriétaire, y compris celui qui bénéficie d'une clause de réserve de propriété.

La modification de l'article 2337 rétablit la possibilité de constitution d'un gage par prise de possession d'un titre représentatif (tel le connaissement), possibilité qui figurait à l'article L. 521-2 du code de commerce mais avait été malencontreusement abrogée en 2006.

L'article 2338, qui traite de la publicité du gage sans dépossession, est complété par un nouvel alinéa second, relatif au gage automobile. L'ordonnance de 2006 avait à la fois abrogé le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles, et créé, dans le présent chapitre, une section intitulée « Du gage portant sur un véhicule automobile » ; l'entrée en vigueur de ces dispositions devait intervenir à une date fixée par décret et qui ne pouvait être postérieure au 1er juillet 2008. Toutefois, ce décret n'a jamais été adopté ; il existe donc une insécurité juridique majeure s'agissant de la détermination des règles applicables au gage automobile. Aussi la présente ordonnance abroge-t-elle la section relative au gage automobile, qui réintègre le giron du droit commun du gage. Il pourra donc notamment être pris par tout créancier. Toutefois, une spécificité est conservée pour l'inscription de cette sûreté puisqu'elle continuera à être réalisée sur le système d'immatriculation des véhicules (SIV), ce qui permet notamment d'assurer la protection des acquéreurs de véhicule automobile : la transaction est généralement subordonnée à la délivrance d'un certificat de non-gage. De plus, un seul gage pourra être inscrit pour un même véhicule automobile. Par exception, le gage portant sur une flotte de véhicules sera publié sur le registre classique des gages sans dépossession, l'inscription au SIV étant inadaptée pour des véhicules nombreux et régulièrement renouvelés.

L'article 2341, relatif au gage avec dépossession de choses fongibles, est complété par un troisième alinéa qui permet aux parties d'autoriser le constituant à aliéner les choses gagées à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes. Cette hypothèse d'un gage avec dépossession sur stock circulant se rencontre en effet en pratique et était prévue dans le gage de stocks (articles L. 527-1 et suivants du code de commerce), qui est abrogé par ailleurs.

L'article 2342 est relatif au gage sans dépossession de choses fongibles. La faculté d'aliéner les biens fongibles, qui supposait jusque-là une clause en ce sens, est désormais le principe - lequel peut être écarté par une clause contraire. Cette solution, inspirée de celle qui existe aujourd'hui pour le gage de stocks, correspond à la réalité du gage de choses fongibles, qui a vocation à être un gage tournant.

Le nouvel article 2342-1 explicite le mécanisme du gage tournant portant sur choses fongibles, qu'il soit avec ou sans dépossession, en reprenant une formule qui figurait à l'article L. 527-5 du code de commerce pour le gage de stocks.

L'article 2346 porte sur la réalisation du gage. La modification du premier alinéa clarifie la situation du créancier gagiste par un renvoi plus large au code des procédures civiles d'exécution ; ainsi, si le créancier est déjà titulaire d'un titre exécutoire, il peut intenter immédiatement la saisie sans avoir à passer par le juge. Le second alinéa introduit, dans le code civil, la procédure simplifiée de réalisation aujourd'hui prévue pour le gage commercial, en l'étendant à tous les gages constitués en garantie d'une dette professionnelle.

L'article 9 modifie le chapitre 3 relatif au nantissement de meubles incorporels.

L'article 2355 est complété afin de prévoir que les nantissements ne confèrent en principe pas de droit de rétention fictif. Cet ajout consacre, dans un souci de sécurité juridique, la jurisprudence de la Cour de cassation (Com., 26 novembre 2013, n° 12-27.390). Cette modification ne remet pas en cause le droit de rétention existant dans le nantissement de comptes-titres, lequel est prévu expressément par l'article L. 211-20 du code monétaire et financier.

L'article 2357, selon lequel le créancier nanti sur une créance future acquiert un droit sur la créance dès la naissance de celle-ci, est abrogé. Cette disposition s'articulait mal en effet avec l'article 2361 selon lequel le nantissement d'une créance future prend effet et est opposable dès la date de l'acte.

L'article 2360, relatif au nantissement de compte, n'est pas modifié, ce qui pérennise la jurisprudence de la Cour de cassation ayant déterminé le sort de cette sûreté en procédure collective (Com., 22 janvier 2020, n° 18-21.647).

L'article 2361 est complété afin de préciser la charge et le mode de preuve de la date du nantissement, en reprenant la solution retenue pour la cession de créance de droit commun par l'article 1323 issu de l'ordonnance du 10 février 2016, elle-même inspirée de celle de la cession ou du nantissement des créances professionnelles par voie de bordereau « Dailly » (art. L. 313-27 al. 4 du code monétaire et financier).

L'article 2361-1 confirme la possibilité, aujourd'hui discutée, de constituer plusieurs nantissements sur une même créance, le rang étant alors déterminé en fonction de la date de l'acte, conformément à l'article 2361. Il précise également que cette règle trouve application même lorsqu'un des créanciers a reçu paiement, conformément à la solution prévue pour la cession de créance à l'article 1325, afin d'assurer une cohérence entre les deux régimes.

L'article 2363 est modifié afin de clarifier le droit du créancier nanti au paiement : il s'agit non pas d'un droit préférentiel (qui donnerait lieu à un concours et donc à un classement) mais d'un droit exclusif (le créancier nanti exclut les autres créanciers et ne peut donc pas se faire primer) reposant sur un droit de rétention sur la créance nantie. Cette clarification est conforme au dernier état de la jurisprudence (2ème Civ., 2 juillet 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636). Le texte ne fait pas obstacle à la pratique consistant, pour des financements importants, à notifier le nantissement afin de le rendre opposable au débiteur, tout en souhaitant que le constituant continue à recevoir paiement.

Le nouvel article 2363-1 précise le régime de l'opposabilité des exceptions affectant la créance nantie, en s'inspirant à nouveau des solutions retenues par l'ordonnance du 10 février 2016 en matière de cession de créance (article 1324 alinéa 2).

L'article 2364 est modifié afin de préciser le sort des sommes versées par le débiteur au créancier nanti dans l'attente du dénouement de la créance garantie : ces sommes doivent être versées sur un compte spécialement affecté (notion déjà utilisée par exemple par l'article L. 743-14 du code de commerce), ce qui permet de mettre les fonds à l'abri des autres créanciers du bénéficiaire.

L'article 10 modifie la section 1 du chapitre 4, relative à la propriété retenue à titre de garantie. Plus précisément, il complète l'article 2372 afin de combattre une solution jurisprudentielle (Com. 5 juin 2007, n° 05-21.349) considérée comme inopportune : la Cour de cassation interdit en effet au sous-acquéreur d'un bien acquis sous réserve de propriété d'opposer au vendeur réservataire les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre l'acheteur-revendeur, au détriment des intérêts du sous-acquéreur de bonne foi. Le texte permet d'aligner le régime de cette sûreté avec les règles applicables à la cession de créance et à la subrogation personnelle (articles 1324 et 1346-5 du code civil).

L'article 11 concerne la section 2, relative à la propriété cédée à titre de garantie. Il crée trois sous-sections au sein de celle-ci.

La sous-section 1 est relative à la fiducie à titre de garantie ; elle comprend les articles 2372-1 à 2372-5 déjà existants.

L'article 2372-1 est complété par un nouvel alinéa, qui prévoit expressément que les dettes garanties peuvent être présentes ou futures, et que dans ce dernier cas elles doivent être déterminables. Cette règle est conforme à celles prévues pour les autres sûretés réelles (articles 2333 pour le gage, 2356 pour le nantissement, 2421 pour l'hypothèque).

L'article 2372-2 est modifié afin de supprimer l'exigence d'évaluation du bien ou du droit transféré dès lors qu'elle n'est prévue pour aucune autre sûreté. Les parties pourront toujours recourir à une telle évaluation si elles le souhaitent.

Enfin, l'article 2372-3 est complété afin d'instaurer plus de souplesse dans les modalités de vente des biens ou droits transférés tout en assurant une protection du débiteur et du créancier : une vente des biens donnés en fiducie est désormais possible à un prix différent de celui fixé par l'expert, mais seulement dans le cas où une vente à ce prix n'aurait pas été possible, ce dont le fiduciaire devra justifier. Il pourra alors vendre au prix qu'il estime correspondre à la valeur du bien, et ce sous sa responsabilité, afin de protéger les intérêts du débiteur et du créancier.

La sous sous-section 2 est relative à la cession de créance à titre de garantie. Il s'agit de permettre, aux côtés de la fiducie-sûreté et dans un souci d'attractivité internationale de la loi française, la cession de créance à titre de garantie. En l'absence de texte le prévoyant, la Cour de cassation a toujours refusé de reconnaître cette sûreté et a requalifié l'opération en nantissement de créance (Com. 19 décembre 2006, n° 05-16.395). Aujourd'hui une telle cession n'est possible qu'au profit des établissements bancaires et assimilés (cession dite Dailly régie par le code monétaire et financier).

L'article 2373 pose le principe de la cession de créance à titre de garantie, laquelle est soumise au droit commun de la cession de créance (article 1321 à 1326). Elle entraîne, au même titre que la cession Dailly, un véritable transfert de la propriété de la créance.

L'article 2373-1 prévoit que la cession de créance à titre de garantie doit respecter le principe de spécialité, quant à l'assiette de la sûreté (créances cédées) et quant aux créances garanties. Le texte reprend les mêmes éléments d'identification que prévus pour le nantissement de créance (article 2356 du code civil) ou la cession Dailly (article L. 313-23 du code monétaire et financier), cette liste n'étant toutefois qu'indicative.

L'article 2373-2 fixe le régime des sommes versées au cessionnaire par le débiteur. L'alinéa premier prévoit que, si la créance garantie est déjà échue, les sommes s'imputent alors sur celle-ci ; la solution est la même que celle prévue dans le nantissement de créance (article 2364 alinéa 1er). Le second alinéa précise que, si la créance garantie n'est pas échue, le créancier cessionnaire conserve les sommes versées par le cédé dans les conditions prévues aux articles 2374-3 et suivants, c'est-à-dire conformément aux règles relatives à la cession de somme d'argent à titre de garantie. Dans une telle hypothèse en effet, le droit de propriété dont était titulaire le cessionnaire sur la créance se reporte sur la somme d'argent versée en paiement de celle-ci ; sa sûreté-propriété sur la créance se transforme en sûreté-propriété sur la somme d'argent, ce qui conduit à lui appliquer le régime prévu pour cette sûreté.

L'article 2373-3 prévoit que, lorsque la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci. Cette solution est identique à celle retenue par la jurisprudence en matière de cession Dailly à titre de garantie (1ère Civ., 19 septembre 2007, n° 04-18.372). Elle est conforme à la logique des sûretés-propriétés : le transfert de propriété n'y est que temporaire.

La sous-section 3 est relative à la cession de somme d'argent à titre de garantie. Il s'agit de consacrer dans le code civil, dans un souci d'attractivité du droit français, de lisibilité et de sécurité juridique, la figure du « gage-espèces ». Cette sûreté, très utilisée en pratique, était en effet jusque-là dépourvue de fondement textuel.

L'article 2374 définit le gage-espèces et met en avant sa caractéristique essentielle : il opère un véritable transfert de propriété de la somme d'argent du cédant au cessionnaire.

L'article 2374-1 pose le principe de l'exigence d'un écrit à titre de validité de la sûreté, comme pour l'ensemble des sûretés. Le texte précise également les mentions devant figurer dans l'écrit, lesquelles assurent le respect du principe de spécialité quant à la créance garantie. La rédaction est alignée sur celle du nantissement (article 2356 du code civil).

L'article 2374-2 affirme que le gage-espèce est opposable aux tiers par la remise de la somme d'argent, sans formalité supplémentaire. Cette solution s'impose dès lors qu'il s'agit d'une sûreté avec dépossession.

L'article 2374-3 consacre le pouvoir de libre disposition des sommes cédées dont bénéficie le cessionnaire, ce qui est conforme à la logique du transfert de propriété : le cessionnaire étant propriétaire des sommes cédées, il en fait ce qu'il veut. Les parties sont toutefois libres d'insérer une stipulation contraire, par exemple en prévoyant que les sommes doivent être conservées sur un compte spécialement affecté.

L'article 2374-4 est relatif aux fruits et intérêts produits par la somme cédée. Deux situations sont distinguées. Si le cessionnaire n'a pas la libre disposition de la somme cédée, il est prévu à titre de règle supplétive que les fruits et intérêts de cette somme accroissent l'assiette de la garantie ; dans toutes les sûretés réelles en effet, les fruits et produits profitent économiquement au constituant. Si le cessionnaire a la libre disposition de la somme cédée, cette règle ne peut pas être appliquée : la somme s'étant mélangée dans son patrimoine, il est impossible de déterminer quels fruits elle a pu concrètement produire. Dans ce cas, les parties peuvent toutefois prévoir un intérêt.

L'article 2374-5 fixe le sort des sommes transférées à titre de garantie en cas de défaillance du débiteur : le cessionnaire peut décider de les imputer sur le montant de la créance garantie ; l'excédent éventuel doit alors être restitué au constituant afin d'éviter tout enrichissement du cessionnaire.

L'article 2374-6 détermine quant à lui le sort des sommes transférées en cas de paiement de l'intégralité de la créance garantie : elles doivent être restituées au cédant, conformément à la logique de la garantie.

L'article 12 présente le sous-titre III, relatif aux sûretés sur les immeubles. Du fait de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales, sa structure est considérablement simplifiée : il passe de huit à quatre chapitres, consacrés respectivement aux privilèges immobiliers, au gage immobilier, aux hypothèques et à la propriété-sûreté.

L'article 13 est relatif aux privilèges immobiliers. La structure de ce chapitre est à nouveau nettement simplifiée, les subdivisions étant supprimées : tous les privilèges immobiliers sont en effet désormais généraux et dispensés d'inscription.

L'article 2376 définit les privilèges immobiliers et précise leurs principales caractéristiques, en particulier l'existence d'un droit de préférence mais l'absence de droit de suite.

L'article 2377, qui dresse la liste des privilèges immobiliers, est toiletté et sa rédaction modernisée.

L'article 2378 énonce la règle de classement des privilèges immobiliers, conformément au droit antérieur.

L'article 14 renumérote les textes relatifs au gage immobilier, qui sont inchangés à l'exceptions de la mise à jour des renvois et d'une modification formelle.

L'article 15 réorganise le chapitre 3, relatif aux hypothèques, qui comprend désormais huit sections.

1. Dispositions générales

L'article 16 modifie la section 1 relative aux dispositions générales.

Les article 2385 à 2391 reprennent des règles existantes en les exprimant de manière plus claire et moderne.

L'article 2390 traite de l'étendue de la couverture hypothécaire en cas de subrogation personnelle, notamment dans l'hypothèse des prêts substitutifs : si les intérêts sont d'ores et déjà couverts en vertu de l'article 1346-4 du code civil, issu de la réforme de 2016, la question est discutée pour les autres accessoires (frais de poursuite, pénalités de remboursement anticipé, dommages et intérêts, etc.). Ce nouvel article, applicable à toutes les formes d'hypothèques, vise à lever cette incertitude en affirmant expressément que tous les accessoires sont garantis par l'inscription initiale.

L'article 2391 reprend et explicite la règle de l'indivisibilité de l'hypothèque. L'alinéa premier concerne la division de la créance, l'alinéa second la division de l'immeuble ; dans les deux cas, le créancier est protégé.

2. Des hypothèques légales

L'article 17 modifie considérablement la section 2, relative aux hypothèques légales. Afin de tenir compte de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales, cette section est désormais composée de deux sous-sections : la première est relative aux hypothèques légales générales, la seconde aux hypothèques légales spéciales. La section débute par l'article 2392 qui explicite la distinction entre ces deux catégories d'hypothèques légales.

L'article 2393 dresse la liste des hypothèques légales générales, laquelle est modernisée et toilettée par rapport à l'ancien article 2400. Les hypothèques légales des frais de dernière maladie et des fournitures de subsistance sont supprimées, comme en matière de privilèges mobiliers.

Le premier paragraphe de cette sous-section est relatif à l'hypothèque légale des époux ; il comprend les articles 2394 à 2397. Est seule conservée l'hypothèque légale des époux mariés sous le régime conventionnel de la participation aux acquêts car la créance de participation est le cœur de ce régime et mérite d'être protégée. En revanche, les autres hypothèques légales entre époux sont supprimées : si elles jouaient historiquement un grand rôle, elles ont perdu leur raison d'être depuis que l'égalité des époux est consacrée ; elles ne sont d'ailleurs utilisées aujourd'hui que de manière très résiduelle ; l'hypothèque judiciaire conservatoire suffit à répondre aux besoins.

Le deuxième paragraphe est relatif à l'hypothèque légale des mineurs ou des majeurs en tutelle ; il comprend les articles 2398 à 2400. Une incertitude demeurait sur le point de savoir si une hypothèque légale existait toujours au profit d'un mineur sous administration légale, la loi n° 2007-308 du 1er mars 2007 ayant supprimé une partie des textes sur ce point mais pas tous. Cette incertitude est levée par la réaffirmation claire de cette hypothèque légale, qui peut être justifiée pour assurer la protection du mineur.

Le troisième paragraphe est relatif à l'hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation. Il est composé de l'article 2401 qui reprend et modernise l'ancien article 2412. Le droit ancien qualifiait celle-ci d'hypothèque judiciaire, ce qui était erroné dans la mesure où c'est la loi qui en octroie automatiquement le bénéficie au titulaire d'un jugement de condamnation, et suscitait de fréquentes confusions avec la véritable hypothèque judiciaire conservatoire. Le texte redonne son exacte qualification à cette hypothèque en l'intégrant dans la section relative aux hypothèques légales.

La deuxième sous-section, nouvelle, est relative aux hypothèques légales spéciales ; elle comprend les articles 2402 à 2407. L'article 2402 en dresse la liste, en remplacement de l'ancien article 2374 relatif aux privilèges spéciaux immobiliers. Cette transformation permet de mettre fin à la rétroactivité dont bénéficient aujourd'hui les privilèges immobiliers spéciaux dès lors qu'ils sont inscrits dans un court délai après leur naissance (en général deux mois). Désormais, toutes les sûretés immobilières prennent rang à la date de leur inscription, ce qui est source à la fois de simplicité et de sécurité juridique. Le privilège des architectes et entrepreneurs est supprimé car sa complexité et sa lourdeur sont telles qu'il n'est pas utilisé en pratique ; les professionnels concernés conservent la possibilité de prendre une hypothèque conventionnelle ou une hypothèque judiciaire conservatoire. Le privilège du prêteur des deniers ayant servi à payer les architectes et entrepreneurs est de la même manière supprimé. Le privilège, devenu hypothèque légale, de l'opérateur de l'article L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation, est déplacé à cet article afin qu'il comprenne l'ensemble du dispositif.

3. Des hypothèques judiciaires

L'article 18 est relatif aux hypothèques judiciaires. Cette section 3 comprend uniquement l'article 2408, lequel comble un manque du code civil en mentionnant l'existence de l'hypothèque judiciaire conservatoire qui est régie par le code des procédures civiles d'exécution.

4. Des hypothèques conventionnelles

L'article 19 est relatif aux hypothèques conventionnelles. Cette section 4 comprend les articles 2409 à 2417 qui reprennent largement les anciens articles 2413 à 2424 en les simplifiant et en les modernisant.

L'article 2414 renverse le principe classique de prohibition des hypothèques sur bien futur. D'une part, ce principe apparaît aujourd'hui archaïque ; il contraste ainsi à la fois avec le droit commun et avec les règles relatives aux autres sûretés réelles, qui peuvent porter sur des biens futurs. D'autre part, ce principe était dès avant la présente réforme privé de sa substance par les nombreuses exceptions dont il faisait l'objet. Toutefois, n'est pas reprise la règle figurant au 1° de l'ancien article 2420 qui permettait de constituer une hypothèque conventionnelle générale en cas d'insuffisance de biens présents ; une telle règle, non utilisée en pratique, était en effet dangereuse pour le constituant, en ce qu'elle lui permettait de se priver en une seule fois de tout son crédit hypothécaire. L'admission générale de l'hypothèque sur bien futur ne remet pas en cause le principe de l'effet relatif de la publicité foncière : l'hypothèque ne pourra être publiée que lorsque le constituant sera devenu propriétaire du bien.

5. Du classement des hypothèques

L'article 20 est relatif au classement des hypothèques, qui constitue la section 5.

L'article 2418 reprend le principe selon lequel les hypothèques doivent être inscrites, et prennent rang à la date de cette inscription, peu important la date de l'acte constitutif. L'alinéa 2 prévoit une exception à cette exigence de publication pour l'hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires, dans la continuité du droit antérieur. Les alinéas trois à cinq reprennent et simplifient les règles de classement en cas d'inscription le même jour de plusieurs hypothèques.

L'article 2419 reprend et généralise la règle précédemment posée par le dernier alinéa de l'article 2425 sur le conflit entre titulaire d'une sûreté mobilière sur un meuble immobilisé par destination et titulaire d'une hypothèque sur cet immeuble. Il s'agit de tenir compte de l'admission, dans le droit commun du gage, du fait que cette sûreté peut porter sur un immeuble par destination (art. 2334 nouveau). Pour éviter que le droit de rétention du gagiste ne vienne perturber la règle de classement chronologique prévue, le texte est complété pour prévoir que cette règle joue « nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes ».

L'article 2420 précise les règles de classement en présence d'une hypothèque rechargeable. Le principe, figurant à l'alinéa premier, est que les créanciers bénéficiaires d'une convention de rechargement prennent rang à la date de l'inscription initiale. Le début de l'alinéa second classe les créanciers bénéficiaires d'une même hypothèque rechargeable, en fonction de la date de leur inscription. La fin de l'alinéa second prévoit que l'inscription d'une hypothèque légale ou judiciaire prime les conventions de rechargement ultérieures ; ce faisant, il généralise à toutes les hypothèques légales une règle jusqu'alors prévue seulement pour les hypothèques légales du trésor et de la sécurité sociale.

6. De l'inscription des hypothèques

L'article 21 renumérote les textes relatifs à l'inscription des hypothèques, qui figurent désormais dans une section 6. Les nouveaux articles 2421 à 2449 reprennent ainsi les anciens articles 2426 à 2457. Dans l'attente de la réforme de la publicité foncière, ces textes ne sont pas modifiés, à l'exception de ce qui est rendu nécessaire par la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales, et de la mise à jour des renvois.

L'ancien article 2445 n'est pas repris car il est rendu inutile par l'article 2423 devenu 2417. Avant 2006 en effet, en présence d'une créance garantie conditionnelle ou indéterminée, le créancier procédait à une évaluation unilatérale de son montant, ce qui justifiait le droit pour le débiteur d'en demander la réduction. Mais depuis 2006, les parties doivent se mettre d'accord sur l'évaluation de la créance conditionnelle ou indéterminée ; dès lors, il n'y a pas de raison que le débiteur puisse ensuite en demander unilatéralement la réduction.

7. Des effets des hypothèques

La section 7, qui traite des effets des hypothèques, est divisée en deux sous-sections.

L'article 22 est relatif au droit de préférence et au droit de suite (sous-section 1).

Les articles 2450 à 2453 explicitent les trois modes de réalisation de l'hypothèque, dans la continuité du droit antérieur : saisie, attribution judiciaire ou pacte commissoire.

Les articles 2454 à 2460 modernisent les textes relatifs au droit de suite. Cette prérogative, essentielle à la protection du créancier hypothécaire, lui permet en cas d'aliénation de l'immeuble de le saisir entre les mains du tiers acquéreur. Cette dernière expression, plus exacte, est substituée à celle de tiers détenteur, utilisée par les textes antérieurs.

L'article 2455 reconnaît de manière générale au tiers acquéreur la faculté d'opposer au créancier hypothécaire le bénéfice de discussion. L'extension de cette règle par rapport au droit antérieur est justifiée par le fait que le tiers acquéreur ne contribue pas à la dette ; elle évite ainsi des recours. L'alinéa second revient sur une jurisprudence critiquée de la Cour de cassation (2ème Civ., 19 février 2015, n° 13-27.691) : si le débiteur principal ne doit pas payer, il n'y a pas de raison que le tiers acquéreur soit tenu de le faire. Le tiers acquéreur peut ainsi, comme la caution (article 2298), opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur principal.

L'article 2456 expose les différentes options qui sont ouvertes au tiers acquéreur subissant le droit de suite du créancier hypothécaire : payer, purger l'immeuble ou se laisser saisir. La faculté de délaissement offerte au tiers acquéreur, qui avait pour seul effet de lui éviter d'apparaitre dans la procédure de saisie immobilière, n'est ainsi pas reprise ; l'objectif de cette institution, qui était d'éviter au tiers acquéreur l'atteinte à la réputation qui pourrait résulter de la mention de son nom sur les affiches, n'est plus pertinent aujourd'hui.

Les articles 2457 à 2460 précisent, dans la continuité du droit antérieur, les conséquences de l'exercice du droit de suite.

L'article 23 est relatif à la purge des hypothèques (sous-section 2).

L'article 2461 explicite le mécanisme de la purge de plein droit - c'est-à-dire automatique - des hypothèques et indique, de manière non limitative, des hypothèses dans lesquelles elle intervient : vente sur saisie immobilière, expropriation pour cause d'utilité publique, situations prévues par le droit des entreprises en difficultés et le droit du surendettement, etc.

L'article 2463 reprend l'ancien article 2475 sur la purge amiable.

Les articles 2464 à 2471 sont relatifs à la procédure de purge judiciaire : le fond des textes n'est pas modifié mais leur rédaction est modernisée, simplifiée et clarifiée.

L'article 2472 est nouveau : il tire les conséquences de l'admission du gage portant sur un immeuble par destination. En cas d'aliénation d'un immeuble incluant un immeuble par destination gagé, il est indispensable que soit ouverte la faculté de procéder à la purge de ce gage ; à défaut en effet, aucun acquéreur ne se présenterait et le commerce des immeubles serait paralysé. Le texte prévoit donc que la purge amiable de l'article 2463 peut concerner le créancier gagiste. Il intègre par ailleurs le créancier gagiste à la procédure de purge judiciaire : le créancier gagiste doit être informé et peut former surenchère si le prix est insuffisant. En l'absence de surenchère, l'immeuble est purgé du gage comme il l'est déjà des hypothèques.

8. De la transmission et de l'extinction des hypothèques

L'article 24 porte sur la section 8, relative à la transmission et à l'extinction des hypothèques.

L'article 2473 reprend sans modification l'ancien article 2424, qui présente différents modes de transmission de l'hypothèque.

L'article 2474 traite de l'extinction de l'hypothèque ; la prescription n'est plus mentionnée à titre autonome car c'est la prescription de la créance garantie qui importe et qui entraîne, en application du 1°, l'extinction par accessoire de l'hypothèque.

L'article 25 apporte aux articles 2488-1 à 2488-5, relatifs à la fiducie-sûretés immobilière, les mêmes modifications que celles apportées précédemment aux articles 2372-1 à 2372-5 en matière de fiducie-sûreté mobilière.

L'article 26 réalise les modifications du code civil extérieures au livre IV.

Le 2° de l'article 1175 est supprimé, ce qui permet de conclure l'ensemble des sûretés par voie électronique. Auparavant, par dérogation au principe d'équivalence entre l'écrit papier et l'écrit l'électronique, les sûretés personnelles ou réelles ne pouvaient être conclues par voie électronique que si la personne agissait pour les besoins de sa profession. Cette modification permettra notamment de dématérialiser l'ensemble des cautionnements, ce qui est aujourd'hui souvent impossible. Cette modification ne réduit pas la protection des constituants, les exigences formelles relatives à chaque sûreté devant toujours être respectées ; en particulier, pour le cautionnement, la caution personne physique devra toujours apposer une mention, mais elle le fera de manière électronique.

Le troisième alinéa de l'article 1323, selon lequel le transfert d'une créance future n'a lieu qu'au jour de sa naissance, est supprimé, par cohérence avec l'abrogation de l'article 2357 relatif au nantissement de créance future.

L'article 1844-2 est abrogé car la règle qu'il posait en matière de sociétés et reprise et généralisée à l'ensemble des personnes morales dans le nouvel article 2326.

L'article 1866, relatif au nantissement de parts de sociétés civiles, est réécrit. Il est désormais renvoyé aux règles du droit commun du gage. Il résulte de cette modification une harmonisation des conditions de constitution, de publicité et d'opposabilité du nantissement portant sur les parts, respectivement, des sociétés civiles, sociétés en nom collectif et sociétés à responsabilité limitée.

L'article 1867 est complété. La procédure d'agrément, qui n'est pas applicable lorsque le nantissement est consenti par l'ensemble des associés de la société conformément au premier alinéa, est aménagée de manière à écarter les dispositions pouvant entraver la réalisation d'un nantissement effectuée en application de l'article 2348 du code civil.

L'article 27 modifie les règles de publicité du privilège du vendeur et du nantissement du fonds de commerce.

Afin de simplifier les règles de publicité, l'obligation d'enregistrement de l'acte de nantissement ainsi que le délai pour inscrire ces sûretés à peine de nullité sont supprimés (L. 141-5, L. 141-6 et L. 142-3). Dans ce dernier cas, la seule conséquence de l'absence d'inscription sera l'inopposabilité aux tiers. Dans le sens d'une harmonisation des règles de publicité des sûretés mobilières, plusieurs dispositions qui ont trait à l'inscription de ces sûretés sont également supprimées, l'objectif étant de préciser ces formalités de publicité au niveau réglementaire. Dans ce cadre, le critère de compétence retenu serait celui du greffier dans le ressort duquel se trouve le propriétaire du fonds et non plus le lieu d'exploitation du fonds, ce qui aurait notamment pour effet de mettre fin à la double inscription dans le ressort où est exploité le fonds principal et dans celui où se trouve la succursale.

Afin de clarifier les règles de classement entre créanciers inscrits sur l'entier fonds et ceux inscrits sur un seul élément du fonds, en cas de vente de ce dernier, il est créé un article L. 143-15-1 prévoyant que l'ordre sera fonction de l'antériorité de la date de l'inscription, sans autre distinction. De même, il réorganise l'articulation de l'article L. 143-3 qui précise la procédure par laquelle le juge est saisi d'une demande de vente du fonds en cas de poursuite de saisie-vente à l'encontre de son propriétaire.

Enfin, il tire les conséquences de l'abrogation du nantissement de matériel et outillage en modifiant l'article L. 143-10 qui permet à un créancier inscrit sur le fonds de demander la vente du fonds en cas de vente isolée d'un de ses éléments. Les hypothèses dans lesquelles le créancier inscrit, même sans créance échue, peut demander au tribunal qu'il ordonne la vente de la globalité du fonds sont plus nombreuses. Pour assurer un équilibre entre les droits du créancier et ceux du propriétaire du fonds, il est précisé que le tribunal de commerce dispose d'un pouvoir d'appréciation pour ordonner ou non la vente.

L'article 28 modifie les autres parties du code de commerce.

Il prévoit tout d'abord à l'article L. 110-1 que le cautionnement d'une dette commerciale est, entre toutes personnes, commercial, ce qui a pour effet de soumettre le contentieux relatif à ce cautionnement à la compétence des juridictions commerciales. Cette modification répond à un objectif de bonne administration de la justice, en permettant que le tribunal de commerce soit saisi à la fois du contentieux relatif à la dette principale et de celui relatif au cautionnement.

Corrélativement, l'article L. 721-3 est modifié. Dès lors qu'un acte relève de la compétence du tribunal de commerce en application de ce texte, la clause compromissoire est en effet licite. Le second alinéa de l'article 2061 du code civil prévoit certes que « Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause [compromissoire] ne peut lui être opposée ». Néanmoins, la jurisprudence a eu l'occasion d'indiquer que l'application de cette disposition et celle du dernier alinéa de l'article L. 721-3 c. com. sont autonomes (Civ. 1re, 22 octobre 2014, n° 13-11.568). Ce dernier texte est donc modifié pour prévoir que lorsque le cautionnement d'une dette commerciale n'a pas été souscrit dans le cadre de l'activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci ; l'extension de la commercialité du cautionnement n'a en effet pas vocation à conduire à une extension du champ de la clause compromissoire.

Par ailleurs, diverses sûretés spéciales sont abrogées : le gage commercial - dont le mode de réalisation simplifié a été généralisé à tous les gages professionnels et introduit dans le code civil à l'article 2346 alinéa 2 -, le warrant hôtelier et le warrant pétrolier - lesquels sont désuets -, le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement et le gage de stocks - le gage de droit commun répondant parfaitement aux besoins de la pratique. Il en résulte ainsi une simplification importante du droit français des sûretés.

L'article 29 modifie le régime applicable au nantissement de compte-titres.

Les dispositions relatives aux fruits et produits font l'objet de différents aménagements. Il est ainsi consacré de manière expresse la possibilité pour les parties d'exclure conventionnellement les fruits et produits de l'assiette du nantissement de compte-titres. S'agissant des exigences relatives à l'ouverture du compte fruits et produits, celles-ci sont assouplies de manière à atténuer les difficultés et délais que peut engendrer l'ouverture d'un tel compte auprès d'établissement de crédit, notamment lorsque le constituant a son siège social à l'étranger. Le compte fruits et produits peut ainsi être ouvert à tout moment à compter de la signature de la déclaration de nantissement, jusqu'à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée. Dans un tel cas les fruits et produits sont considérés comme faisant partie intégrante du compte titres nanti dès la date de déclaration. La sanction attachée à l'absence d'ouverture du compte à la date de réalisation du nantissement est par ailleurs clarifiée : les fruits et produits sont dans ce cas exclus de l'assiette du nantissement.

La possibilité de nantir successivement un même compte-titres est par ailleurs expressément consacrée. L'article précise que le rang des créanciers successifs est réglé selon la date de leur déclaration de nantissement respective. Le rang ainsi déterminé peut néanmoins faire l'objet d'aménagements conventionnels, selon la volonté des parties.

S'agissant de la réalisation du nantissement de compte-titres, l'article apporte trois modifications. Le régime applicable aux titres financiers, français ou étrangers, négociés sur un marché réglementé est élargi à ceux admis sur toute plateforme de négociation. Les modalités de réalisation du nantissement portant sur des titres autres que ceux admis sur une plateforme de négociation sont par ailleurs modifiées de manière à ce que la réalisation intervienne à l'expiration d'un délai de huit jours, ou de tout autre délai décidé par les parties. Il en résulte une harmonisation des délais applicables qu'il s'agisse de titres admis ou non sur une plateforme de négociation. Enfin, afin de tenir compte de l'abrogation de l'article L. 521-3 du code de commerce auquel renvoie le troisième alinéa du V, les dispositions de l'article ainsi abrogé sont reprises à l'article L. 211-20, à droit constant, à l'exception de la signification à laquelle est substituée une notification.

Il est également procédé à des modifications terminologiques, permettant notamment de clarifier la distinction entre le « compte spécial » et le « compte fruits et produits ».

L'article 30 modifie le code des procédures civiles d'exécution.

L'article L. 112-3 est complété afin d'assurer la cohérence avec le nouvel article 2334 du code civil, qui autorise le gage portant sur des meubles immobilisés par destination. Le gage portant sur l'immeuble par destination peut ainsi désormais être réalisé indépendamment de l'immeuble sur lequel il se greffe. Afin d'éviter que le créancier gagiste, lorsqu'il sollicite la réalisation de sa sûreté en dehors de toute saisie immobilière, ne préjudicie aux droits des autres créanciers, il est précisé que cette saisie ne peut intervenir que si elle n'occasionne aucun dommage, ni au bien immeuble par destination ni à l'immeuble. La solution s'inspire de celle prévue par l'article 2370 du code civil pour la clause de réserve de propriété.

L'article L. 211-3 est modifié afin d'étendre l'obligation de déclaration du tiers saisi aux nantissements.

L'article L. 221-5 est complété afin renforcer les droits du créancier titulaire d'une sûreté publiée en cas de saisie-vente d'un bien meuble, en lui permettant de faire valoir ses droits sur le prix de vente.

L'article L. 322-14 est modifié afin d'étendre le champ de la purge des inscriptions en cas de saisie immobilière, pour qu'elle s'applique également au gage portant sur des immeubles par destination. Corrélativement, l'article L. 331-1 est modifié pour permettre aux créanciers ayant publié un gage portant sur des immeubles par destination inclus dans le champ de la saisie, de participer à la distribution du prix produit par cette saisie.

L'article 31 modifie divers codes afin de simplifier et d'harmoniser les règles de publicité des sûretés mobilières concernées et de les centraliser dans un seul registre, qui sera créé et régi par un décret en Conseil d'Etat. Les modifications apportées permettent également de clarifier les dispositions qui relèvent de la loi et celles qui relèvent du domaine réglementaire ; les dispositions supprimées seront remplacées par le décret. Est ainsi concerné le warrant agricole, régi par le chapitre II du titre IV du livre III du code rural et de la pêche maritime. A ce titre, la possibilité pour le greffier de rédiger lui-même le warrant, aujourd'hui prévue par le premier alinéa de l'article L. 342-3, est supprimée : il appartient aux parties de rédiger le contrat constitutif de la sûreté, le greffier étant uniquement chargé de l'inscrire sur le registre. Sont également concernés : les hypothèques maritimes, les hypothèques fluviales, les opérations de crédit-bail en matière mobilière, le privilège du trésor en matière fiscale et en matière douanière et le privilège de la sécurité sociale et des régimes complémentaires. Certaines dispositions régissant des opérations liées à des sûretés qui intégreront également ce registre sont également modifiées (droits réels sur les bateaux autre que les hypothèques, arrêtés d'insalubrité, de péril et d'insécurité relatifs à un fonds de commerce exploité à des fins d'hébergement et saisie pénale des fonds de commerce). Le code de la route est également modifié afin de permettre la communication aux greffiers des tribunaux de commerce et à leur Conseil national des informations relatives aux gages automobiles, pour que ceux-ci puissent en diffuser l'information dans le cadre de la tenue du registre.

L'article 32 abroge certaines dispositions ou lois rendues sans objet par les précédentes dispositions de l'ordonnance. Il en va ainsi en particulier des textes du code de la consommation relatifs au cautionnement, puisque les règles ont été intégrées dans le code civil. Il en va de même de certaines sûretés réelles spéciales désuètes ou inutiles, comme le warrant industriel ou le warrant de stocks de guerre, dans l'objectif de simplification et d'attractivité du droit français précédemment mentionnés.

Les articles 33 à 35 comprennent des dispositions assurant la coordination des différents codes et lois, opérant des renvois à des articles modifiés par l'ordonnance, et qui doivent donc être à leur tour modifiés pour tenir compte de la nouvelle numérotation adoptée. Parmi ces modifications doit être mentionnée celle portant sur l'article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 : s'agissant de la mention devant être apposée par la caution, le cautionnement d'un bail d'habitation réintègre le giron du droit commun. Le besoin de protection de la caution est en effet le même qu'ailleurs. La caution devra donc apposer elle-même la mention de l'article 2297 du code civil.

L'article 36 précise l'application outre-mer de l'ordonnance. En particulier, il étend expressément l'application de la présente ordonnance à Wallis-et-Futuna, sauf exceptions.

L'article 37 énonce les dispositions transitoires et finales, afin d'assurer la bonne application dans le temps de la présente ordonnance.

Le I fixe la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance au 1er janvier 2022, afin de laisser aux opérateurs économiques le temps de se mettre en conformité avec le droit nouveau. Toutefois, la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile, lesquelles requièrent à la fois des mesures réglementaires d'application et des développements informatiques, sera fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 1er janvier 2023.

Le II rappelle le principe de la survie de la loi ancienne en matière de cautionnement, afin de ne pas susciter d'interrogation sur ce point : les cautionnements conclus antérieurement à cette date demeureront intégralement soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion.

Le III prévoit une exception pour les obligations d'information (information annuelle, information sur la défaillance du débiteur principal, information de la sous-caution) qui s'appliqueront immédiatement le 1er janvier 2022 aux cautionnements et sûretés réelles pour autrui constituées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Le texte ne contient pas de règle générale pour les sûretés réelles qui sont par conséquent soumises aux principes classiques du droit transitoire (principe de survie de la loi ancienne ou application immédiate selon les cas). Le IV pose toutefois une règle spécifique pour les privilèges spéciaux immobiliers, qui sont transformés en hypothèques légales. L'ordonnance supprimant le terme « privilège » dans tous les textes applicables aux sûretés immobilières, il convient dans un souci de sécurité juridique de s'assurer que les textes continueront à s'appliquer aux privilèges déjà nés, par exemple pour leur radiation, renouvellement, purge, etc. Il est donc prévu que pour l'avenir les privilèges spéciaux immobiliers sont assimilés à des hypothèques légales. Toutefois, il est nécessaire, pour ne pas remettre en cause les prévisions des parties, que les privilèges inscrits au fichier immobilier antérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance conservent leur rang et les effets relatifs à la rétroactivité de celui-ci, en application du principe de survie de la loi ancienne. De même, un privilège né quelques jours ou semaines avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance doit pouvoir être inscrit après l'entrée en vigueur de l'ordonnance et bénéficier de la rétroactivité si le délai légal (en général de deux mois) est respecté. C'est pourquoi il est prévu que l'assimilation des privilèges antérieurs à des hypothèques légales réserve la rétroactivité de leur rang, et que les privilèges qui n'ont pas fait l'objet des formalités de publicité foncière à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance seront inscrits au fichier immobilier selon les dispositions applicables avant cette date.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.