Arrêt de la Cour (grande chambre) du 15 juillet 2021.#Fédération bancaire française (FBF) contre Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France).#Renvoi préjudiciel – Articles 263 et 267 TFUE – Acte de l'Union juridiquement non contraignant – Contrôle juridictionnel – Orientations émises par l'Autorité bancaire européenne (ABE) – Modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail – Validité – Compétence de l'ABE.#Affaire C-911/19.

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 juillet 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Articles 263 et 267 TFUE – Acte de l’Union juridiquement non contraignant – Contrôle juridictionnel – Orientations émises par l’Autorité bancaire européenne (ABE) – Modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail – Validité – Compétence de l’ABE »

Dans l’affaire C‑911/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 4 décembre 2019, parvenue à la Cour le 13 décembre 2019, dans la procédure

Fédération bancaire française (FBF)

contre

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan, M. Ilešič, L. Bay Larsen (rapporteur), A. Kumin et N. Wahl, présidents de chambre, MM. E. Juhász, T. von Danwitz, Mmes C. Toader, L. S. Rossi, MM. I. Jarukaitis et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2020,

considérant les observations présentées :

pour la Fédération bancaire française (FBF), par Me F. Boucard, avocat,

pour l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), par Me F. Rocheteau, avocat,

pour le gouvernement français, par Mmes E. de Moustier et A. Daly, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour l’Autorité bancaire européenne (ABE), par MM. J. Overett Somnier et C. Carroll ainsi que par Mme I. Metin, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennelly, QC, et de M. R. Mehta, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. D. Triantafyllou, V. Di Bucci et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 263 et 267 TFUE ainsi que sur la validité, au regard du règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12), tel que modifié par la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015 (JO 2015, L 337, p. 35) (ci-après le « règlement no 1093/2010 »), des orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 22 mars 2016, sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18) (ci-après les « orientations litigieuses »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Fédération bancaire française (FBF) à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), au sujet de l’adoption, par cette dernière, d’un avis par lequel celle-ci a déclaré se conformer aux orientations litigieuses.

Le cadre juridique

La directive 2007/64/CE

3

L’article 10, paragraphe 4, de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1), énonçait :

« Les autorités compétentes n’accordent l’agrément que si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de paiement, celui-ci dispose pour son activité de prestation de services de paiement d’un solide dispositif de gouvernement d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités qui soit bien défini, transparent et cohérent, des procédures efficaces de détection, de gestion, de contrôle et de déclaration des risques auquel il est ou pourrait être exposé et des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines ; ce dispositif, ces procédures et ces mécanismes sont exhaustifs et adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des services de paiement fournis par l’établissement de paiement. »

La directive 2009/110/CE

4

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7), précise :

« Sans préjudice de la présente directive, les articles 5 et 10 à 15, l’article 17, paragraphe 7, et les articles 18 à 25 de la directive [2007/64] s’appliquent mutatis mutandis aux établissements de monnaie électronique. »

Le règlement no 1093/2010

5

L’article 1er, paragraphes 2, 3 et 5, du règlement no 1093/2010 dispose :

« 2.   L’[ABE] agit selon les pouvoirs que le présent règlement lui confère et dans le champ d’application [de la directive 2009/110], [...] [de la directive] 2013/36/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338)] [...], y compris l’ensemble des directives, règlements et décisions fondés sur ces actes, ainsi que de tout autre acte juridiquement contraignant de l’Union conférant des tâches à l’[ABE]. [...]

3.   L’[ABE] agit en outre dans le domaine d’activité des établissements de crédit, conglomérats financiers, entreprises d’investissement, établissements de paiement et établissements de monnaie électronique, pour les questions qui ne sont pas couvertes directement par les actes visés au paragraphe 2, y compris en ce qui concerne les questions liées à la gouvernance d’entreprise, au contrôle des comptes et à l’information financière, pour autant que cette action de l’[ABE] soit nécessaire pour veiller à l’application cohérente et efficace desdits actes.

[...]

5.   L’[ABE] a pour objectif de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et à l’efficacité à court, moyen et long terme du système financier, pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises. L’[ABE] contribue à :

[...]

e)

veiller à ce que la prise de risques de crédit ou autres soit correctement réglementée et surveillée, et

f)

renforcer la protection des consommateurs.

[...] »

6

L’article 8, paragraphes 1, 1 bis et 2, de ce règlement prévoit :

« 1.   L’[ABE] est chargée des tâches suivantes :

a)

contribuer à la création de normes et de pratiques communes de grande qualité en matière de réglementation et de surveillance, notamment en fournissant des avis aux institutions de l’Union et en élaborant des orientations, des recommandations, des projets de normes techniques de réglementation et d’exécution et d’autres mesures, fondés sur les actes législatifs de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2 ;

[...]

b)

contribuer à l’application harmonisée des actes juridiquement contraignants de l’Union, notamment en participant à l’instauration d’une pratique commune en matière de surveillance, en veillant à l’application cohérente, efficiente et effective des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, [...] ;

[...]

h)

favoriser la protection des déposants et des investisseurs ;

[...]

bis.   Dans l’exercice de ses tâches conformément au présent règlement, l’[ABE] :

a)

utilise tous les pouvoirs mis à sa disposition ; [...]

[...]

2.   Pour l’exécution des tâches énumérées au paragraphe 1, l’[ABE] dispose des compétences énoncées au présent règlement, à savoir :

[...]

c)

émettre des orientations et des recommandations selon les modalités prévues à l’article 16 ;

[...] »

7

L’article 15, paragraphe 4, du même règlement est ainsi libellé :

« Les normes techniques d’exécution sont adoptées par voie de règlement ou de décision. [...] »

8

L’article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement no 1093/2010 énonce :

« 1.   Afin d’établir des pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du SESF [(système européen de surveillance financière)] et d’assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l’Union, l’[ABE] émet des orientations et des recommandations à l’intention des autorités compétentes ou des établissements financiers.

[...]

3.   Les autorités compétentes et les établissements financiers mettent tout en œuvre pour respecter ces orientations et recommandations.

Dans un délai de deux mois suivant l’émission d’une orientation ou d’une recommandation, chaque autorité compétente indique si elle respecte ou entend respecter cette orientation ou recommandation. Si une autorité compétente ne la respecte pas ou n’entend pas la respecter, elle en informe l’[ABE] en motivant sa décision.

[...]

Si l’orientation ou la recommandation le requiert, les établissements financiers rendent compte, de manière précise et détaillée, de leur respect ou non de cette orientation ou recommandation. »

La directive 2013/36

9

L’article 74, paragraphes 1 à 3, de la directive 2013/36 précise :

« 1.   Les établissements disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques.

2.   Les dispositifs, les processus et les mécanismes visés au paragraphe 1 sont exhaustifs et adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’établissement. Il est tenu compte des critères techniques définis aux articles 76 à 95.

3.   L’ABE émet des orientations concernant les dispositifs, les processus et les mécanismes visés au paragraphe 1, conformément au paragraphe 2. »

La directive 2014/17/UE

10

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34), dispose :

« Les États membres exigent que, dans le cadre de l’élaboration, l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à des formules de crédits et, le cas échéant, de services auxiliaires destinés aux consommateurs ou dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit, les prêteurs, les intermédiaires de crédit ou les représentants désignés agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des consommateurs. En ce qui concerne l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à des crédits et, le cas échéant, des services auxiliaires, les activités s’appuient sur les informations relatives à la situation du consommateur et sur toute demande spécifique formulée par celui-ci, ainsi que sur les hypothèses raisonnables quant aux risques pour la situation du consommateur sur la durée du contrat de crédit. [...] »

11

L’article 29, paragraphe 2, sous a), troisième alinéa, de cette directive prévoit :

« L’ABE élabore un projet de normes techniques de réglementation fixant le montant monétaire minimal de l’assurance de la responsabilité civile professionnelle ou de la garantie équivalente visée au premier alinéa du présent point et le soumet à la Commission d’ici au 21 septembre 2014. L’ABE réexamine les normes techniques de réglementation pour modifier le montant monétaire minimal de l’assurance en responsabilité civile professionnelle ou de la garantie équivalente visée au premier alinéa du présent point et, si nécessaire, élabore un projet de normes modifiées qu’elle soumet à la Commission, la première fois avant le 21 mars 2018, et ensuite tous les deux ans. »

12

Aux termes de l’article 34, paragraphes 2 et 4, de ladite directive :

« 2.   [...]

Lorsque l’autorité compétente de l’État membre d’origine est en désaccord avec les mesures prises par l’État membre d’accueil, elle peut saisir l’ABE et solliciter son assistance au titre de l’article 19 du règlement (UE) no 1093/2010. Dans ce cas, l’ABE peut agir conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par ledit article.

[...]

4.   [...]

Lorsque l’autorité compétente de l’État membre d’origine ne prend pas de mesures dans un délai d’un mois à compter de la réception de ces informations ou si, en dépit des mesures prises par l’autorité compétente de l’État membre d’origine, l’intermédiaire de crédit continue d’agir d’une manière clairement préjudiciable aux intérêts des consommateurs de l’État membre d’accueil ou au bon fonctionnement des marchés, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil :

[...]

b)

peut saisir l’ABE et solliciter son assistance au titre de l’article 19 du règlement (UE) no 1093/2010. Dans ce cas, l’ABE peut agir conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par ledit article. »

13

L’article 37 de la même directive est ainsi libellé :

« Si une demande de coopération, en particulier en vue de l’échange d’informations, a été rejetée ou n’a pas été suivie d’effet dans un délai raisonnable, les autorités compétentes peuvent saisir l’ABE et solliciter son assistance au titre de l’article 19 du règlement (UE) no 1093/2010. [...] »

La directive 2015/2366

14

L’article 114 de la directive 2015/2366 énonce :

« La directive 2007/64/CE est abrogée avec effet à compter du 13 janvier 2018.

Toute référence faite à la directive abrogée s’entend comme faite à la présente directive et est à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe II de la présente directive. »

Les orientations de l’ABE sur la gouvernance interne

15

L’orientation 23 des orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 27 septembre 2011, sur la gouvernance interne (EBA BS 2011 116 final, ci-après les « orientations de l’ABE sur la gouvernance interne »), précise que les établissements concernés doivent disposer d’une politique de validation des nouveaux produits et définit les caractéristiques que devrait présenter cette politique.

Les orientations litigieuses

16

Le point 2 des orientations litigieuses dispose :

« Les orientations donnent l’avis de l’ABE sur des pratiques de surveillance appropriées au sein du système européen de surveillance financière ou sur les modalités d’application du droit de l’Union dans un domaine particulier. Les autorités compétentes [...] qui sont soumises aux orientations, doivent les respecter en les intégrant dans leurs pratiques, s’il y a lieu (par exemple en modifiant leur cadre juridique ou leurs processus de surveillance), y compris lorsque les orientations s’adressent principalement à des établissements. »

17

Le point 3 de ces orientations prévoit :

« Conformément à l’article 16, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1093/2010, les autorités compétentes doivent indiquer à l’ABE si elles respectent ou entendent respecter ces orientations, ou indiquer les raisons du non-respect des orientations, le cas échéant [...] »

18

Aux termes du point 5 desdites orientations :

« Les présentes orientations concernent la mise en place de modalités de gouvernance et de surveillance des produits pour les producteurs et les distributeurs en tant que partie intégrante des exigences organisationnelles générales liées aux systèmes de contrôle interne des entreprises. Elles concernent les procédures, les fonctions et les stratégies internes destinées à concevoir des produits, à les commercialiser et à les suivre durant tout leur cycle de vie. Elles établissent des procédures permettant de s’assurer que les intérêts, les objectifs et les caractéristiques du marché cible sont satisfaits. En revanche, les présentes orientations ne concernent pas le caractère approprié des produits pour les consommateurs pris individuellement. »

19

Le point 6 des mêmes orientations est ainsi libellé :

« Les présentes orientations s’appliquent aux producteurs et aux distributeurs des produits proposés et vendus aux consommateurs et précisent les modalités de gouvernance et de surveillance des produits au regard de :

l’article 74, paragraphe 1, de la directive [2013/36], l’article 10, paragraphe 4, de la directive [2007/64] et l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2009/110], lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 4, de la [directive 2007/64], et

l’article 7, paragraphe 1, de la directive [2014/17]. »

20

Les points 11 à 14 des orientations litigieuses désignent les autorités compétentes qui constituent les destinataires de celles-ci.

21

Le point 15 de ces orientations définit, notamment, les notions de « producteur » et de « produit » en se référant aux directives 2009/110, 2007/64, 2013/36 et 2014/17.

22

L’orientation 1 desdites orientations énonce :

« 1.1 Le producteur devrait mettre en place, appliquer et contrôler des modalités efficaces de gouvernance et de surveillance des produits. Ces modalités devraient avoir pour but, lorsque des produits sont conçus et commercialisés, (i) de s’assurer que les intérêts, les objectifs et les caractéristiques des consommateurs sont pris en compte, (ii) d’éviter tout préjudice potentiel pour les consommateurs et (iii) de réduire au minimum les conflits d’intérêts.

1.2 Les modalités de gouvernance et de surveillance des produits devraient être régulièrement révisées et mises à jour par le producteur.

1.3 Lors du lancement d’un nouveau produit, le producteur devrait s’assurer que les modalités de gouvernance et de surveillance du produit soient prises en compte dans la politique de validation des nouveaux produits (PVNP), conformément à l’orientation 23 des orientations de l’ABE sur la gouvernance interne [...] lorsque ces dernières s’appliquent.

[...] »

23

L’orientation 2 des orientations litigieuses précise :

« 2.1 Le producteur devrait veiller à ce que les modalités de gouvernance et de surveillance des produits fassent partie intégrante de son cadre de gouvernance, de gestion des risques et de contrôle interne, tel que mentionné dans [les orientations de l’ABE sur la gouvernance interne], le cas échéant. À cet effet, l’organe de direction du producteur devrait approuver la mise en place des modalités et leurs mises à jour ultérieures.

2.2 La direction générale, soutenue par des représentants des fonctions de gestion des risques et de la conformité du producteur, devrait être responsable de la conformité interne constante avec les modalités de gouvernance et de surveillance des produits. Elle devrait vérifier régulièrement que les modalités de gouvernance et de surveillance des produits sont encore appropriées et continuent de répondre aux objectifs fixés dans l’orientation 1.1 ci-dessus et elle devrait proposer à l’organe de direction que les modalités soient modifiées si tel n’est plus le cas.

2.3 La responsabilité de la supervision de ce processus par la fonction Contrôle des risques et la fonction Conformité devrait être intégrée dans leurs tâches normales, comme indiqué dans les orientations 25, 26 et 28 [des orientations de l’ABE sur la gouvernance interne], dans la mesure du possible.

2.4 La direction générale devrait veiller à ce que le personnel impliqué dans la conception d’un produit connaisse et suive les modalités de gouvernance et de surveillance des produits du producteur, soit compétent et dûment formé et comprenne et connaisse les fonctionnalités, les caractéristiques et les risques du produit. »

24

Les orientations 3 à 8 des orientations litigieuses établissent des principes relatifs, respectivement, au marché cible, au test des produits, à leur suivi, aux mesures correctives, aux canaux de distribution et aux informations destinées aux distributeurs.

25

Les orientations 9 à 12 des orientations litigieuses se rapportent aux modalités de gouvernance et de surveillance des produits par les distributeurs.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

26

Le 8 septembre 2017, l’ACPR a publié, sur son site Internet, un avis par lequel elle a, d’une part, déclaré se conformer aux orientations litigieuses et, d’autre part, précisé que ces orientations étaient applicables aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique soumis à son contrôle.

27

Le 8 novembre 2017, la FBF a introduit auprès du Conseil d’État (France) une requête tendant à obtenir l’annulation de cet avis.

28

À l’appui de sa requête, la FBF a fait valoir que ledit avis était fondé sur les orientations litigieuses et que l’ABE ne pouvait pas, sans outrepasser sa compétence, émettre ces orientations.

29

Après avoir constaté que l’avis de l’ACPR en cause au principal devait être regardé comme faisant grief à la FBF, la juridiction de renvoi relève que la FBF ne peut pas, en application de la jurisprudence de la Cour, contester, par voie d’exception, la validité des orientations litigieuses dans le cas où elle aurait été déclarée recevable à introduire un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE, contre ces orientations. Elle se demande, par conséquent, si une telle voie de recours était ouverte, en l’occurrence, à la FBF.

30

Dans l’hypothèse où la Cour devait conclure que tel n’était pas le cas, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compétence de la Cour pour apprécier la validité, en application de l’article 267 TFUE, des orientations litigieuses et sur la recevabilité d’une contestation, par voie d’exception, de la validité de ces orientations par une fédération professionnelle qui n’est concernée ni directement ni individuellement par lesdites orientations.

31

Si la Cour devait considérer que la FBF était effectivement recevable à contester, devant une juridiction nationale, la validité des orientations litigieuses, la juridiction de renvoi estime devoir saisir la Cour de la question de savoir si l’ABE a outrepassé ses compétences en émettant ces orientations.

32

Cette juridiction relève, à cet égard, qu’aucun des actes de l’Union mentionnés au point 6 desdites orientations ne contient de disposition relative à la gouvernance des produits bancaires de détail, sauf en ce qui concerne les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel. En outre, aucun de ces actes ne prévoirait de disposition habilitant l’ABE à émettre des orientations portant sur la gouvernance des produits bancaires de détail.

33

Toutefois, il ne serait pas exclu que la compétence de l’ABE pour émettre les orientations litigieuses puisse être fondée sur les objectifs assignés à cette autorité par l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1093/2010 ou sur la mission de surveillance des activités financières confiée à ladite autorité conformément à l’article 9, paragraphe 2, de ce règlement.

34

Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les orientations émises par une autorité européenne de surveillance sont‑elles susceptibles de faire l’objet du recours en annulation prévu par les stipulations de l’article 263 [TFUE] ? Dans l’affirmative, une fédération professionnelle est-elle recevable à contester, par la voie du recours en annulation, la validité d’orientations destinées aux membres dont elle défend les intérêts et qui ne la concernent ni directement ni individuellement ?

2)

En cas de réponse négative à l’une des deux questions posées [à la première question], les orientations émises par une autorité européenne de surveillance sont-elles susceptibles de faire l’objet du renvoi préjudiciel prévu par les stipulations de l’article 267 [TFUE] ? Dans l’affirmative, une fédération professionnelle est-elle recevable à contester, par la voie de l’exception, la validité d’orientations destinées aux membres dont elle défend les intérêts et qui ne la concernent ni directement ni individuellement ?

3)

Dans l’hypothèse où la Fédération bancaire française serait recevable à contester, par la voie de l’exception, les orientations [litigieuses], [l’ABE] a‑t-elle, en émettant ces orientations, excédé les compétences qui lui sont dévolues par le règlement no 1093/2010 [...] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

Sur la première partie de la première question

35

Par la première partie de sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens que des actes tels que les orientations litigieuses peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de cet article.

36

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le recours en annulation, prévu à l’article 263 TFUE, est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union, quelles qu’en soient la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens, arrêts du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 31, et du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

37

À l’inverse, tout acte de l’Union ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 55, ainsi que du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 27).

38

Pour déterminer si un acte produit des effets de droit obligatoires, il y a lieu, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ses effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de celui-ci ainsi que des pouvoirs de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union qui en est l’auteur (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 48, et du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32).

39

En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, du contenu des orientations litigieuses, il ressort, premièrement, des termes du point 2 de ces orientations, qui figure sous le titre « Statut de ces orientations », que celles-ci se bornent à donner « l’avis de l’ABE sur les pratiques de surveillance appropriées au sein du [SESF] ou sur les modalités d’application du droit de l’Union dans un domaine particulier ».

40

Il importe, deuxièmement, de relever que les orientations litigieuses sont, de manière générale, libellées en des termes non impératifs.

41

Troisièmement, alors que les points 11 à 14 des orientations litigieuses précisent que les destinataires de celles-ci sont seulement les autorités compétentes mentionnées à ces points, le point 3 de ces orientations énonce, en visant l’article 16, paragraphe 3, du règlement no 1093/2010, que les autorités compétentes doivent indiquer à l’ABE si elles respectent ou entendent respecter ces orientations ou, à défaut, indiquer les raisons du non-respect desdites orientations.

42

S’agissant, en second lieu, du contexte dans lequel les orientations litigieuses s’inscrivent ainsi que des pouvoirs de l’organisme qui en est l’auteur, il y a lieu de constater, tout d’abord, que les orientations émises par l’ABE sont soumises, en application du règlement no 1093/2010, au même régime juridique que les « recommandations » émises par l’ABE, lesquelles ne lient pas leurs destinataires, conformément à l’article 288 TFUE, cinquième alinéa, et sont, partant, en principe, dépourvues de force obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 30).

43

Ensuite, si l’article 16, paragraphe 3, de ce règlement prévoit certes que les autorités compétentes et les établissements financiers mettent tout en œuvre pour respecter les orientations émises par l’ABE, cette disposition précise, néanmoins, que ces autorités indiquent si elles respectent ou entendent respecter ces orientations et que, si tel n’est pas le cas, elles informent l’ABE de leur choix en motivant leur décision.

44

Il découle donc de ladite disposition que lesdites autorités ne sont pas tenues de se conformer auxdites orientations, mais que, ainsi que cela a été souligné au point 41 du présent arrêt en ce qui concerne spécifiquement les orientations litigieuses, ces mêmes autorités disposent de la faculté de s’en écarter, auquel cas elles doivent motiver leur position.

45

Les orientations émises par l’ABE ne peuvent, par conséquent, pas être regardées comme produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard des autorités compétentes (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a., C‑28/15, EU:C:2016:692, points 34 et 35).

46

De même, les orientations émises par l’ABE ne sauraient être considérées comme produisant, en tant que telles, des effets obligatoires à l’égard des établissements financiers, dans la mesure où l’article 16, paragraphe 3, quatrième alinéa, du règlement no 1093/2010 dispose que ceux-ci sont seulement tenus de rendre compte, de manière précise et détaillée, du respect ou non de ces orientations.

47

Enfin, il convient de relever que les orientations émises par l’ABE se distinguent, à cet égard, des normes techniques d’exécution élaborées par cette autorité qui sont, conformément à l’article 15, paragraphe 4, de ce règlement, adoptées par la voie d’un règlement ou d’une décision.

48

Il apparaît, dès lors, que le législateur de l’Union a entendu, en autorisant l’ABE à émettre des orientations et des recommandations, conférer à cette autorité un pouvoir d’incitation et de persuasion distinct du pouvoir d’adopter des actes dotés d’une force obligatoire (voir, par analogie, arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 26).

49

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que les orientations litigieuses visent à produire des effets juridiques obligatoires, au sens de la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt.

50

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première partie de la première question que l’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens que des actes tels que les orientations litigieuses ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de cet article.

Sur la seconde partie de la première question

51

Compte tenu de la réponse apportée à la première partie de la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde partie de cette question.

Sur la deuxième question

Sur la première partie de la deuxième question

52

Par la première partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la Cour est compétente, en vertu de cet article, pour apprécier la validité d’actes tels que les orientations litigieuses.

53

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE et l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE prévoient que la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du droit de l’Union et sur la validité des actes adoptés par les institutions de l’Union sans exception aucune (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, EU:C:1989:646, point 8, et du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 44).

54

Partant, bien que l’article 263 TFUE exclue le contrôle de la Cour sur les actes dépourvus d’effets juridiques obligatoires, celle-ci peut, en application de l’article 267 TFUE, apprécier la validité de tels actes lorsqu’elle statue à titre préjudiciel (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 44).

55

La circonstance que, ainsi qu’il ressort des points 39 à 49 du présent arrêt, les orientations litigieuses sont dépourvues d’effets juridiques obligatoires n’est donc pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour se prononcer sur leur validité dans le cadre de la présente affaire.

56

La Cour a d’ailleurs déjà pu reconnaître sa compétence pour se prononcer, à titre préjudiciel, sur la validité d’une recommandation de l’ABE dépourvue d’effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 83).

57

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première partie de la deuxième question que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la Cour est compétente, en vertu de cet article, pour apprécier la validité d’actes tels que les orientations litigieuses.

Sur la seconde partie de la deuxième question

58

Par la seconde partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union impose que la recevabilité, devant une juridiction nationale, d’une exception d’illégalité dirigée contre un acte de l’Union soit subordonnée à la condition que cet acte concerne directement et individuellement le justiciable qui se prévaut de cette exception.

59

Il y a lieu de relever que, si l’article 263, quatrième alinéa, TFUE vise, parmi les actes de l’Union contre lesquels une personne physique ou morale peut former un recours en annulation devant la Cour, les actes qui concernent directement et individuellement cette personne, cette disposition n’a pas pour objet de déterminer dans quelles conditions la validité d’un acte de l’Union peut être contestée devant les juridictions nationales.

60

En outre, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 92 ainsi que jurisprudence citée).

61

Il convient d’ajouter qu’il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 100 ainsi que jurisprudence citée).

62

En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient dès lors à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner, dans le respect de l’exigence citée au point précédent ainsi que des principes d’effectivité et d’équivalence, les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 102 ainsi que jurisprudence citée).

63

Si les justiciables doivent, à ce titre, se voir garantir, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 94 ainsi que jurisprudence citée), il ne découle aucunement de l’article 267 TFUE que celui-ci s’oppose à ce que des règles nationales permettent aux justiciables de se prévaloir de l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale, par voie d’exception, devant une juridiction nationale en dehors d’un litige relatif à l’application à leur égard d’un tel acte.

64

Il ressort, au contraire, de la jurisprudence de la Cour qu’une demande de décision préjudicielle en appréciation de validité doit être considérée comme étant recevable lorsqu’elle a été formée à l’occasion d’un litige réel dans lequel une question sur la validité d’un acte de l’Union se pose à titre incident, même si cet acte n’a fait l’objet d’aucune mesure d’application à l’égard du justiciable concerné par l’affaire au principal (voir, en ce sens, arrêts du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, points 33 et 34 ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 29, ainsi que du 7 février 2018, American Express, C‑643/16, EU:C:2018:67, point 30).

65

Partant, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question que le droit de l’Union n’impose pas que la recevabilité, devant une juridiction nationale, d’une exception d’illégalité dirigée contre un acte de l’Union soit subordonnée à la condition que cet acte concerne directement et individuellement le justiciable qui se prévaut de cette exception.

Sur la troisième question

66

Par la troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la validité des orientations litigieuses au regard des dispositions du règlement no 1093/2010 définissant les compétences de l’ABE.

67

Dès lors qu’il ressort du règlement no 1093/2010 que le législateur de l’Union a encadré le pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations de manière précise, sur la base de critères objectifs, l’exercice de ce pouvoir doit être susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel rigoureux au regard de ces critères objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, points 41 et 53).

68

La circonstance que les orientations litigieuses ne produisent pas d’effets juridiques obligatoires, ainsi qu’il résulte des points 39 à 49 du présent arrêt, n’est pas de nature à affecter l’étendue de ce contrôle.

69

En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 43 et 48 du présent arrêt, l’émission, par l’ABE, des orientations litigieuses vise à exercer sur les autorités compétentes et sur les établissements financiers, un pouvoir d’incitation et de persuasion, ceux‑ci devant tout mettre en œuvre pour respecter ces orientations et ces autorités devant indiquer si elles respectent ou entendent respecter ces orientations et, si tel n’est pas le cas, motiver leur position.

70

En particulier, de telles orientations peuvent conduire les autorités compétentes à adopter, à l’instar de l’ACPR dans l’affaire en cause au principal, des actes de droit national incitant les établissements financiers à modifier de manière significative leurs pratiques ou à prendre en compte, comme l’a souligné M. l’avocat général, au point 51 de ses conclusions, le respect des orientations de l’ABE lors de l’examen de la situation individuelle de ces établissements.

71

Il incombe également aux juges nationaux de prendre en considération les orientations de l’ABE afin de résoudre les litiges qui leur sont soumis notamment lorsque ces orientations ont, à l’instar des orientations litigieuses, pour objet de compléter des dispositions du droit de l’Union ayant un caractère contraignant (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, EU:C:1989:646, point 18, et du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 80).

72

En outre, admettre que l’ABE puisse librement émettre des orientations, indépendamment du cadre spécifique établi par le législateur de l’Union, serait de nature à porter atteinte à la répartition des compétences entre les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

73

Certes, l’émission, par l’ABE, d’orientations est sans préjudice de la faculté dont dispose le législateur de l’Union d’adopter, dans les limites des compétences qui lui sont conférées par le droit primaire, un acte doté d’effets juridiques obligatoires consacrant des normes différentes des standards recommandés par l’ABE, lequel impliquerait alors d’écarter les orientations concernées.

74

Toutefois, cette circonstance ne saurait remettre en cause l’exigence, rappelée au point 67 du présent arrêt, selon laquelle l’ABE est tenue d’agir conformément au cadre précis fixé, sur la base de critères objectifs, par ce législateur dans le règlement no 1093/2010.

75

Il découle de ce qui précède que l’ABE n’est compétente pour émettre des orientations que dans la mesure explicitement prévue par le législateur de l’Union et qu’il incombe à la Cour, en vue de répondre à la troisième question, de vérifier si les orientations litigieuses relèvent des compétences de l’ABE, telles que définies par ce législateur.

76

À cette fin, il y a lieu de constater, en ce qui concerne l’étendue des compétences conférées à l’ABE par ledit législateur, que l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010 dispose que l’ABE agit selon les pouvoirs que ce règlement lui confère et dans le champ d’application d’une série d’actes énumérés à cette disposition, y compris l’ensemble des directives, des règlements et des décisions fondés sur ces actes, ainsi que de tout autre acte juridiquement contraignant conférant des tâches à l’ABE.

77

L’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1093/2010 prévoit que l’ABE agit, en outre, dans le domaine d’activité des établissements de crédit, des conglomérats financiers, des entreprises d’investissement, des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique, pour les questions qui ne sont pas couvertes directement par les actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, y compris en ce qui concerne les questions liées à la gouvernance d’entreprise, au contrôle des comptes et à l’information financière, pour autant que cette action de l’ABE soit nécessaire pour veiller à l’application cohérente et efficace de ces actes.

78

S’agissant plus précisément du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations, l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1093/2010 prévoit que l’ABE est chargée de contribuer à la création de normes et de pratiques communes de grande qualité en matière de réglementation et de surveillance, notamment en élaborant des orientations et des recommandations fondées sur les actes législatifs de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement.

79

L’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1093/2010 énonce, quant à lui, que l’ABE dispose, pour l’exécution « des tâches » énumérées à l’article 8, paragraphe 1, de celui-ci, de la compétence pour émettre des orientations et des recommandations selon les modalités prévues à l’article 16 de ce règlement alors que l’article 8, paragraphe 1 bis, dudit règlement précise que, dans l’exercice de ses tâches conformément audit règlement, l’ABE utilise tous les pouvoirs mis à sa disposition.

80

Il importe de relever, dans ce contexte, que, parmi les tâches attribuées à l’ABE figurent, entre autres, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b) et h), du règlement no 1093/2010, celle de contribuer à l’application harmonisée des actes juridiquement contraignants de l’Union, notamment en participant à l’instauration d’une pratique commune en matière de surveillance, en veillant à l’application cohérente, efficiente et effective des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, ainsi que celle de favoriser la protection des déposants et des investisseurs.

81

En outre, l’article 16 du règlement no 1093/2010, auquel renvoie l’article 8, paragraphe 2, sous c), de celui-ci et que les orientations litigieuses citent comme constituant leur base juridique, dispose, à son paragraphe 1, que, afin d’établir des pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du SESF et d’assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l’Union, l’ABE émet des orientations et des recommandations à l’intention des autorités compétentes ou des établissements financiers.

82

Par ailleurs, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1093/2010, l’ABE a pour objectif de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et à l’efficacité à court, moyen et long terme du système financier, pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises. L’article 1er, paragraphe 5, sous e) et f), de ce règlement précise, également, que l’ABE contribue, notamment, à veiller à ce que la prise de risques de crédit ou autres soit correctement réglementée et surveillée ainsi qu’à renforcer la protection des consommateurs.

83

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater, d’une part, que la validité d’orientations émises par l’ABE est subordonnée au respect des dispositions du règlement no 1093/2010 encadrant spécifiquement le pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations, mais également à l’inscription de ces orientations dans le champ d’action de l’ABE que l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de ce règlement définit par référence à l’application de certains actes de l’Union, comme le confirme d’ailleurs la circonstance que l’article 8, paragraphe 1, sous a), de ce règlement prévoit que les orientations adoptées par l’ABE doivent être fondées sur les actes de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement.

84

D’autre part, ainsi qu’il découle, en particulier, des points 77 et 80 à 82 du présent arrêt, l’ABE peut, afin d’assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l’Union, émettre des orientations relatives aux obligations de surveillance prudentielle pesant sur les établissements concernés, notamment en vue de protéger les intérêts des déposants et des investisseurs par un encadrement adéquat de la prise de risques financiers, rien dans le règlement no 1093/2010 ne permettant de considérer que seraient exclues de ce pouvoir des mesures relatives à la conception et à la commercialisation des produits, pour autant que ces mesures s’inscrivent dans le champ d’action de l’ABE, tel que précisé au point 83 du présent arrêt.

85

En l’occurrence, s’agissant du contenu des orientations litigieuses, il ressort du point 5 de ces orientations, intitulé « Objet », que celles-ci concernent la mise en place de modalités de gouvernance et de surveillance des produits, en tant que partie intégrante des exigences organisationnelles liées aux systèmes de contrôle interne des entreprises, ainsi que les procédures, les fonctions et les stratégies internes destinées à concevoir des produits, à les commercialiser et à les suivre durant tout leur cycle de vie. Ce point 5 précise également que ces orientations ont pour objet d’établir des procédures permettant de s’assurer que les intérêts, les objectifs et les caractéristiques du marché cible sont satisfaits.

86

À cette fin, tout d’abord, l’orientation 1 des orientations litigieuses prévoit que les modalités de gouvernance et de surveillance des produits mises en place devraient avoir pour but, lorsque des produits sont conçus et commercialisés, notamment que les intérêts, les objectifs ainsi que les caractéristiques des consommateurs soient pris en compte et que tout préjudice potentiel pour les consommateurs soit évité.

87

Cette orientation recommande également la révision et la mise à jour régulière des modalités de gouvernance et de surveillance des produits ainsi que leur intégration dans la politique de validation des nouveaux produits des établissements concernés, laquelle fait l’objet de l’orientation 23 des orientations de l’ABE sur la gouvernance interne, en tant qu’exigence relative à cette gouvernance visant à assurer la gestion des risques.

88

Ensuite, l’orientation 2 des orientations litigieuses incite, plus largement, ces établissements à intégrer les modalités de gouvernance et de surveillance des produits dans leur cadre de gouvernance, de gestion des risques et de contrôle interne. Elle précise, également, le rôle qu’il conviendrait de conférer à différents organes desdits établissements à cette fin, en se référant, là encore, à différents aspects des orientations de l’ABE sur la gouvernance interne. En particulier, l’orientation 2.4 précise que la direction générale devrait veiller à ce que le personnel impliqué dans la conception d’un produit connaisse et suive les modalités de gouvernance et de surveillance des produits du producteur, soit compétent et dûment formé et comprenne et connaisse les fonctionnalités, les caractéristiques et les risques du produit.

89

Enfin, dans ce contexte, d’une part, les orientations 3 à 8 des orientations litigieuses concrétisent les modalités de gouvernance et de surveillance qui devraient, selon ces orientations, être intégrées dans le dispositif de gouvernance interne des établissements concernés.

90

Plus précisément, ces orientations 3 à 8 incitent à prendre diverses mesures pour s’assurer que la conception et la commercialisation d’un produit soient appropriées au regard du marché cible pertinent, que ce produit soit testé, suivi, corrigé et distribué à travers des canaux adéquats et qu’il soit accompagné d’informations destinées aux distributeurs. C’est ainsi que l’orientation 3.3 précise que le producteur ne devrait concevoir et commercialiser que des produits présentant des fonctions, des charges et des risques répondant aux intérêts, aux objectifs et aux caractéristiques du marché cible spécifique identifié pour le produit et au bénéfice du marché cible.

91

Lesdites orientations 3 à 8 précisent donc différents aspects des procédures qui devraient être mises en place, au sein des établissements concernés, afin d’assurer un contrôle suffisant de la conception et de la commercialisation des produits et ainsi de maîtriser les risques en découlant.

92

D’autre part, les orientations 9 à 12 des orientations litigieuses définissent, à destination des distributeurs, des standards comparables à ceux énoncés par les orientations 3 à 8 des orientations litigieuses en ce qui concerne les producteurs.

93

Sur cette base, il convient d’apprécier, en premier lieu, si les orientations litigieuses relèvent du champ d’action de l’ABE, tel que défini à l’article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1093/2010.

94

À cet égard, il résulte des points 76, 77 et 83 du présent arrêt que la validité d’orientations émises par l’ABE, qui, à l’instar des orientations litigieuses, concernent des questions liées à la gouvernance d’entreprise, est subordonnée à la condition que celles-ci s’inscrivent dans le champ d’application d’au moins un des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010 ou qu’elles soient nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace d’un tel acte.

95

Il ressort du point 6 des orientations litigieuses que celles-ci précisent les modalités de gouvernance et de surveillance des produits au regard de l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36, de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2007/64, de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/110 et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17.

96

Or, toutes ces directives doivent être considérées comme constituant des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010.

97

Tout d’abord, les directives 2013/36 et 2009/110 sont explicitement mentionnées à cette disposition.

98

Ensuite, si la directive 2007/64 n’était, en revanche, pas citée dans la version de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010 applicable à la date de l’émission des orientations litigieuses, il convient de souligner, d’une part, qu’était visée à cette version de cette disposition la directive 2015/2366, qui a succédé à la directive 2007/64, et, d’autre part, que cette dernière directive était mentionnée dans la version de ladite disposition applicable avant le 12 janvier 2016.

99

Il apparaît donc que, à la suite d’une erreur matérielle, le législateur de l’Union a substitué une référence à la directive 2015/2366 à une référence à la directive 2007/64, sans tenir compte du fait que la première de ces directives n’abrogerait, conformément à son article 114, la seconde de celles-ci qu’à compter du 13 janvier 2018.

100

Dans ces conditions, il y a lieu d’interpréter la référence à la directive 2015/2366 qui figurait à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010 à la date de l’émission des orientations litigieuses comme renvoyant, à cette date, à la directive 2007/64.

101

Enfin, si la directive 2014/17 n’est pas non plus citée à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010, l’article 29, paragraphe 2, sous a), l’article 34, paragraphes 2 et 4, ainsi que l’article 37 de celle-ci prévoient que l’ABE doit prendre diverses mesures pour assurer l’exécution de cette directive, de sorte que cette directive, en tant qu’elle confère des tâches à l’ABE, doit être considérée comme un acte visé à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010.

102

Par conséquent, il incombe encore à la Cour, afin de répondre à la troisième question, de vérifier si les orientations litigieuses relèvent bien du champ d’application des directives visées au point 6 de ces orientations ou si elles sont nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace de ces directives.

103

S’agissant, premièrement, de la directive 2013/36, l’article 74, paragraphe 1, de celle-ci prévoit que les établissements qu’elle vise disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant, notamment, une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, ainsi que des politiques et des pratiques de rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques.

104

À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’ont fait valoir l’ABE et l’ACPR, la mise sur le marché, par des établissements financiers, de produits bancaires conçus et commercialisés sans prendre en considération les caractéristiques des marchés visés ainsi que celles des consommateurs concernés est susceptible de générer des risques notables pour ces établissements, en particulier en exposant ceux-ci à des coûts considérables liés à l’engagement de leur responsabilité et au prononcé de sanctions à leur égard.

105

Ce constat est, d’ailleurs, reflété dans le rapport final de l’ABE, du 15 juillet 2015, sur les orientations litigieuses, lequel souligne, en outre, que la conduite des établissements financiers, y compris en ce qui concerne la vente au détail, concerne les autorités de régulation non seulement dans une perspective de protection des consommateurs, mais aussi dans une perspective prudentielle et en lien avec l’objectif de promouvoir la confiance des marchés, la stabilité financière et l’intégrité du système financier aux niveaux national et européen.

106

Dès lors que les orientations litigieuses visent, ainsi qu’il ressort des points 86 à 92 du présent arrêt, à définir de quelle manière les établissements concernés devraient inclure des modalités de gouvernance et de surveillance des produits, destinées à assurer la prise en compte des caractéristiques des marchés visés ainsi que de celles des consommateurs concernés, dans leurs structures et leurs procédures internes, ces orientations doivent être considérées comme établissant des principes destinés à garantir des processus efficaces de détection, de gestion et de suivi des risques ainsi que des mécanismes adéquats de contrôle interne, au sens de l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36, en vue de garantir l’existence du dispositif solide de gouvernance d’entreprise exigé à cette disposition.

107

En outre, dès lors que l’article 74, paragraphe 3, de cette directive prévoit explicitement que l’ABE doit se conformer au paragraphe 2 de cet article, lors de l’émission d’orientations relatives aux dispositifs, aux processus et aux mécanismes visés au paragraphe 1 dudit article, il importe de souligner que l’intégration dans ces processus et ces mécanismes d’éléments destinés à prendre en compte la situation sur les marchés cibles doit être regardée comme participant à l’adaptation, requise à l’article 74, paragraphe 2, de cette directive, desdits processus et desdits mécanismes à la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’établissement.

108

Ces constats ne sont remis en cause ni par la circonstance que les orientations litigieuses se rapportent spécifiquement à la gouvernance et à la surveillance des produits ni par la place particulière que ces orientations accordent aux intérêts, aux objectifs et aux caractéristiques des consommateurs, même si ces éléments ne sont pas directement mentionnés à l’article 74 de la directive 2013/36.

109

D’une part, ainsi qu’il est souligné au point 5 des orientations litigieuses, celles-ci ne concernent pas le caractère approprié des produits pour les consommateurs pris individuellement.

110

Il ressort, au contraire, des points 86 à 92 du présent arrêt que ces orientations ne se réfèrent aux intérêts, aux objectifs et aux caractéristiques des consommateurs qu’afin d’assurer la prise en compte de ces intérêts, de ces objectifs et de ces caractéristiques dans les processus de gestion des risques et les mécanismes de gouvernance interne des établissements concernés.

111

D’autre part, il convient, certes, de relever que les critères techniques définis aux articles 76 à 95 de la directive 2013/36, auxquels renvoie l’article 74, paragraphe 2, de celle-ci, ne se réfèrent spécifiquement ni à la gouvernance et à la surveillance des produits ni aux intérêts, aux objectifs et aux caractéristiques des consommateurs.

112

Toutefois, le fait qu’il doit, aux termes de cet article 74, paragraphe 2, être tenu compte de ces critères techniques ne saurait impliquer que le dispositif solide de gouvernance visé à l’article 74, paragraphe 1, de cette directive doit être exclusivement défini sur la base desdits critères techniques.

113

Il s’ensuit que les orientations litigieuses peuvent être considérées comme étant nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace de l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36.

114

Deuxièmement, l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2007/64 impose, en ce qui concerne les établissements entendant fournir des services de paiements, des obligations formulées dans les mêmes termes que celles énoncées à l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36.

115

Partant, il découle des considérations exposées aux points 103 à 110 du présent arrêt que les orientations litigieuses, qui couvrent entre autres produits les services de paiement, peuvent être considérées comme étant nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2007/64.

116

Troisièmement, il en va de même s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/110, dès lors que cette disposition se borne à prévoir l’application aux établissements de monnaie électronique de certains articles de la directive 2007/64, parmi lesquels figure l’article 10 de celle-ci.

117

Quatrièmement, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17 dispose, notamment, que, dans le cadre de l’élaboration, de l’octroi, de l’intermédiation ou de la fourniture de services de conseil relatifs à des formules de crédits aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, les prêteurs, les intermédiaires de crédit ou les représentants désignés agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des consommateurs.

118

Cette disposition précise également que, en ce qui concerne l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à de tels crédits, les activités s’appuient sur les informations relatives à la situation du consommateur et sur toute demande spécifique formulée par celui-ci, ainsi que sur les hypothèses raisonnables quant aux risques pour la situation du consommateur sur la durée du contrat de crédit.

119

Or, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’orientation 1 des orientations litigieuses précise que les modalités de gouvernance et de surveillance des produits décrites doivent avoir pour but d’assurer que, lorsque des produits sont conçus et commercialisés, les intérêts, les objectifs ainsi que les caractéristiques des consommateurs soient pris en compte et que tout préjudice potentiel pour les consommateurs soit évité.

120

Ensuite, la prise en compte des intérêts, des objectifs et des caractéristiques du ou des marchés cibles, qui fait l’objet des orientations 3 et 11 des orientations litigieuses, suppose de déterminer puis d’intégrer dans les processus de décision la situation des consommateurs présents sur ces marchés.

121

Enfin, il importe de souligner que les mesures concrètes mentionnées aux orientations 4, 5, 7, 9 et 12 sont définies en se référant explicitement à la prise en compte, à divers stades de la conception et de la commercialisation des produits en cause, des intérêts, des objectifs et des caractéristiques des consommateurs.

122

Dès lors, les orientations litigieuses peuvent être considérées comme étant nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17.

123

Partant, les orientations litigieuses doivent être considérées comme relevant du champ d’action de l’ABE, tel qu’il est défini, de manière générale, à l’article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1093/2010.

124

En second lieu, il convient de déterminer si les orientations litigieuses relèvent du cadre spécifique arrêté par le législateur de l’Union pour l’exercice du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations.

125

À cet égard, il apparaît, premièrement, eu égard, notamment, aux éléments exposés aux points 119 à 121 du présent arrêt, que les orientations litigieuses ont pour objet de contribuer à la protection des consommateurs ainsi qu’à celle des déposants et des investisseurs, visées à l’article 1er, paragraphe 5, sous f), et à l’article 8, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1093/2010.

126

Deuxièmement, au regard des considérations figurant aux points 104 et 110 du présent arrêt, les orientations litigieuses doivent également être rattachées aux fonctions conférées à l’ABE, conformément à l’article 1er, paragraphe 5, sous e), en ce qui concerne l’encadrement de la prise de risque par les établissements financiers.

127

Troisièmement, les orientations litigieuses doivent être regardées comme concourant à l’instauration de pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du SESF, à laquelle se réfèrent l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010.

128

En effet, ces orientations mettent directement en œuvre les principes définis dans la position commune des autorités européennes de surveillance sur la gouvernance et la surveillance des produits par les producteurs (JC‑2013-77), adoptée par l’Autorité européenne des marchés financiers, par l’ABE ainsi que par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.

129

Il convient, en particulier, de souligner que cette position commune, qui se présente comme visant à renforcer la protection des consommateurs ainsi qu’à assurer la stabilité, l’efficacité et l’intégrité des marchés financiers, prévoit explicitement que l’ABE utilisera les principes que ladite position commune définit pour développer des exigences plus détaillées sur la gouvernance et la surveillance des produits bancaires.

130

Par conséquent, il y a lieu de constater que les orientations litigieuses relèvent du cadre spécifique arrêté par le législateur de l’Union pour l’exercice du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations, tel qu’il résulte de l’article 8, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010, lus en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 5, de celui-ci.

131

Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que les orientations litigieuses relèvent des compétences de l’ABE, telles que définies par ce législateur.

132

Partant, il apparaît que l’examen de la troisième question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des orientations litigieuses.

Sur les dépens

133

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 263 TFUE doit être interprété en ce sens que des actes tels que les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 22 mars 2016, sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18), ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de cet article.

 

2)

L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la Cour est compétente, en vertu de cet article, pour apprécier la validité d’actes tels que les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 22 mars 2016, sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18).

 

3)

Le droit de l’Union n’impose pas que la recevabilité, devant une juridiction nationale, d’une exception d’illégalité dirigée contre un acte de l’Union soit subordonnée à la condition que cet acte concerne directement et individuellement le justiciable qui se prévaut de cette exception.

 

4)

L’examen de la troisième question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des orientations de l’Autorité bancaire européenne, du 22 mars 2016, sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18).

 

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Bonichot

Arabadjiev

Regan

Ilešič

Bay Larsen

Kumin

Wahl

Juhász

von Danwitz

Toader

Rossi

Jarukaitis

Jääskinen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2021.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure : le français.